Même en 2020, les casernes de pompiers demeurent un univers masculin. Les femmes qui ont réussi à s’y faire une place sont des personnes particulièrement solides, des femmes de tête.

La réalisatrice Louise Leroux et le producteur Richard Blackburn ont voulu faire connaître quelques-unes de ces pompières dans le documentaire Femmes des casernes, tourné sur une période de trois ans.

Au départ, le film devait porter sur la formation des pompiers, un parcours très difficile.

« Il y a une école à Mirabel qui forme les pompiers, raconte Louise Leroux en entrevue. J’ai appris que la formation y est très intense : on y entre comme un garçon, on en sort comme un homme, en seulement un an. Je me suis dit que c’était une belle évolution pour un documentaire. »

Mais une fois sur place, elle se rend compte que sur 140 élèves, il n’y a que 2 filles.

« Des femmes pompières, je n’en avais jamais vu. Je me suis intéressée à ça, j’ai décidé de tourner la caméra vers elles. »

Bande-annonce de Femmes des casernes

Louise Leroux a notamment suivi la lieutenante Mélanie Drainville, la pompière Nancy Cloutier, les recrues Justine Forget et Karine Van de Walle et l’enseignante Anik St-Pierre.

« Ce n’est pas un métier pour toutes les femmes. En fait, ce n’est même pas un métier pour tous les hommes, observe Mme Leroux. C’est très exigeant physiquement, l’équipement est très lourd. »

En outre, il existe bien peu de modèles féminins dans le domaine. « C’est difficile de s’imaginer dans ce rôle-là », indique-t-elle.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Louise Leroux, réalisatrice du documentaire sur les pompières

Réalisatrice à tout faire

La réalisatrice a passé six mois dans deux casernes de Montréal, à grimper à bord du camion de pompiers à chaque appel. Comme les autres, elle revêtait le « bunker » : le casque, le manteau, le pantalon réglementaire.

« Je me demandais si j’allais être capable de le faire quand j’ai vu qu’il y avait juste une place dans le camion, raconte-t-elle. J’avais toujours eu un caméraman, je venais de commencer ma propre caméra. Je n’étais pas certaine de pouvoir faire un film aussi exigeant : j’étais réalisatrice, caméraman, preneuse de son dans des interventions, des incendies. C’est mon producteur, Richard Blackburn, qui m’a poussée là-dedans. »

Il lui a fourni un harnais qui soutenait la caméra et qui lui libérait les mains pour les batteries, les micros.« J’étais complètement autonome. »

Il ne lui était pas possible de pénétrer à l’intérieur des bâtiments en feu. Richard Blackburn a alors déniché de minuscules caméras qui pouvaient se fixer sur le casque des pompiers.

« Aujourd’hui, le public est exposé à des images percutantes, affirme Louise Leroux. Il serait frustré si on devait rester à l’extérieur. »

Devenir des modèles

La lieutenante Mélanie Drainville a bien hésité avant d’accepter de se faire suivre ainsi à la trace.

Je ne suis pas quelqu’un qui va aller d’emblée vers les caméras. Je suis avec une équipe de travail, on fait notre petite affaire, on va bien. Mais Louise m’a rappelé que j’avais déjà été étudiante, que j’aurais peut-être aimé me voir entourée de modèles. Elle m’a prise par les sentiments avec ça.

Mélanie Drainville

Elle en a parlé à son équipe, qui l’a encouragée à aller de l’avant. « Ils disaient que ça allait leur faire une belle expérience, que ça leur permettrait de partager leur métier. »

À l’heure actuelle, les appels de type « premiers répondants » représentent 75 % des sorties des pompiers. Louise Leroux voulait évidemment montrer cette réalité, mais elle tenait aussi à couvrir un « gros feu ».

« Je voulais montrer ce que les pompières étaient capables de faire, explique-t-elle. Je ne voulais pas juste un accouchement ou un arrêt cardiaque. Ça, je sais qu’elles en sont capables. Je voulais une pompière en intervention sur un gros feu. »

Ça a pris du temps, mais Louise Leroux a réussi à avoir son « gros feu ».

Le parcours de Justine Forget et de Karine Van de Walle était également capital, à ses yeux. Chacune rêvait de se joindre au Service de sécurité incendie de Montréal. Mais pour cela, il fallait réussir un test physique particulièrement exigeant.

Louise Leroux suit notamment Justine pendant un entraînement en caserne : juste à regarder, c’est épuisant !

La réalisatrice a suivi une formation de scénariste dramatique à Los Angeles en 2010. Cette compétence est très visible à l’écran, surtout lorsque Justine et Karine se présentent au fameux test : est-ce qu’elles vont réussir ? Est-ce qu’elles vont pouvoir réaliser leur rêve ? Le suspense est soutenu.

Pour Louise Leroux, le retour à la vie normale après six mois de caserne n’a pas été facile. « On développe des liens très proches, raconte-t-elle. Quand je suis partie à la maison, je me suis ennuyée de mes équipes pendant une couple de semaines. »

La réalisatrice roule sa bosse de documentariste depuis plus de 20 ans, d’abord à l’ONF, puis avec sa propre boîte, Shootfilms, qu’elle a fondée avec Richard Blackburn.

« Je fais un métier très physique, j’aime beaucoup l’aventure, déclare-t-elle. Plus jeune, peut-être que j’aurais fait le métier de pompière. »

La première de Femmes des casernes se tient ce jeudi à 18 h au cinéma Quartier latin dans le cadre des Rendez-Vous Québec Cinéma. 

Le film sera présenté le 8 mars au Cinéma Beaubien dans le cadre de la Journée internationale des femmes. Il prendra l’affiche au Cinéma du Musée à partir du 13 mars.

RDI diffusera une version un peu écourtée du film.