Fantasia accueille le week-end prochain le cinéaste torontois Ted Kotcheff, réalisateur de First Blood, premier film de la série Rambo dont on présentera une copie restaurée en format numérique 4K. Or, ce qui allait devenir une franchise du cinéma d’action a bien failli se terminer à la fin du premier opus, rappelle le coloré réalisateur en entrevue.

Le tournage de la scène finale de First Blood était une grande réussite.

John Rambo (Sylvester Stallone) est épuisé. Enfermé dans un immeuble cerné de voitures de police, il crie sa rage de voir que les vétérans du Viêtnam sont considérés comme des moins que rien. Il casse tout. Il pleure. Puis il met brutalement fin à ses jours sous les yeux du colonel Trautman (Richard Crenna), qui l’a formé dans l’armée.

« C’était brillant, se remémore le réalisateur du film, Ted Kotcheff. Mais après quelques minutes, Stallone est venu me voir et m’a dit : “Rambo a accompli un paquet de trucs. Il a sauté en bas des arbres, est tombé d’une falaise, a été poursuivi par des chiens et blessé au bras par balle. Et là, on va l’éliminer ?” »

Après une courte réflexion, Kotcheff a donné raison à Stallone et a tourné une scène où Rambo se rend aux autorités. Les producteurs beuglaient : « Hé ! On s’est entendus sur le fait que Rambo mourait. On va dépasser l’horaire et le budget. »

Ted Kotcheff a fait à sa tête. Et il a eu raison. Car durant les projections tests, la version « suicide » a été très mal accueillie par le public.

« Les gens adoraient le film, poursuit M. Kotcheff, joint à Los Angeles. Ils criaient : “Fais attention, Rambo ! Fais gaffe, derrière toi !” Mais lorsqu’il met fin à ses jours, on aurait entendu une mouche voler. Un spectateur furieux a lancé : “Si le réalisateur est ici, qu’on le sorte dans la rue et qu’on le pende au premier lampadaire.” »

Signature canadienne

Tout le monde connaît la suite ! Après First Blood, sorti en 1982, la série s’est poursuivie et compte actuellement cinq épisodes. Selon la base de données IMDb, un remake indien est en préparation avec l’acteur Tiger Shroff.

Rambo est-il un évènement majeur dans l’histoire du cinéma d’action ? Absolument, répond Ted Kotcheff. « Il est maintenant inscrit dans la culture populaire comme un héros américain unique en son genre. »

Que First Blood fasse l’objet d’une restauration 4K et soit présenté à Fantasia enchante évidemment le réalisateur, qui sera en ville ce week-end pour l’occasion.

PHOTO JEREMY JACKSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE 

Le réalisateur Ted Kotcheff

Avec le temps, les bobines se détériorent tellement qu’elles en deviennent inutilisables. Avec cette restauration, on maintient le film en vie. Les images seront plus claires. Les couleurs aussi. On va se rapprocher de la copie originale.

Ted Kotcheff, réalisateur

Au-delà de la préservation du film, Ted Kotcheff est très fier de la signature canadienne qu’on y trouve. Ce Torontois d’origine aime rappeler que le long métrage est une adaptation du roman du même nom de David Morrell, originaire de Kitchener, en Ontario. De plus, le tournage a eu lieu en Colombie-Britannique.

Une guerre « stupide »

En dépit de sa violence et de la présence de Stallone, que certains étaient incapables d’associer à une autre œuvre que Rocky (sorti en 1976), Rambo aborde, comme d’autres œuvres telles The Deer Hunter (1978) et Full Metal Jacket (1987), la question des dommages collatéraux de la guerre du Viêtnam chez les soldats américains, soit le rejet et le stress post-traumatique.

Ted Kotcheff en était bien conscient au moment du tournage.

« La guerre du Viêtnam fut totalement stupide, dit-il. Elle a fait 58 000 morts chez les soldats américains et 1 million chez les Vietnamiens. Quand les combattants sont revenus aux États-Unis, ils étaient diabolisés. La droite les considérait comme des perdants ; la gauche, comme des tueurs de femmes et d’enfants. Le traitement que le shérif et son assistant réservent à Rambo dans le film constituait un microcosme de ce qui se passait dans la société de l’époque. »

Le succès de Duddy Kravitz

Huit ans avant Rambo, Ted Kotcheff avait tourné l’autre film ayant le plus marqué sa carrière, The Apprenticeship of Duddy Kravitz.

Adaptation du roman de Mordecai Richler, le film mettant en vedette Richard Dreyfuss et Micheline Lanctôt (qui sera la compagne de Kotcheff durant quelques années) remportera l’Ours d’or à la Berlinale en 1974.

« Il est devenu le premier film canadien à remporter un prix aussi prestigieux à l’échelle internationale », affirme M. Kotcheff. 

J’ai longtemps cherché du financement pour ce projet doté d’un budget d’environ 750 000 $. Or, les producteurs ont remboursé leur investissement en deux semaines ! On a fait beaucoup d’argent avec ce film.

Ted Kotcheff, réalisateur

Le réalisateur, qui a aujourd’hui 88 ans, a une affection très particulière pour ce film, du fait que Mordecai Richler était son meilleur ami.

« On a vécu ensemble à Londres, se rappelle-t-il. Quand Mordecai m’a fait lire son roman [publié en 1959], je lui ai dit que j’en ferais une adaptation au Canada un jour. J’ai passé plusieurs mois à Montréal sur le tournage de ce film. L’auteur William Faulkner a souvent dit que le comté de Lafayette au Mississippi était son territoire de créateur. Le mien, c’est Montréal et la rue Saint-Urbain. »

First Blood, projeté à la salle J.A. De Sève le 27 juillet à 19 h 20 ; The Apprenticeship of Duddy Kravitz, projeté au Cinéma du Musée le 28 juillet à 17 h 30

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