Tragédienne au Conservatoire, Alexandra Lamy s’est d’abord fait connaître à titre d’actrice de comédie, notamment grâce à la version française d’Un gars, une fille. Vingt ans plus tard, la comédienne joue aujourd’hui sur tous les registres. Chamboultout, d’Éric Lavaine, en est la preuve.

Elle l’affirme d’emblée : Un gars, une fille a véritablement lancé sa carrière en France. Et changé sa vie.

De l’autre côté de l’Atlantique, la célèbre série de Guy A. Lepage, lancée il y a deux décennies, a marqué le paysage télévisuel en s’imposant grâce à des sketches quotidiens de quelques minutes, diffusés avant le bulletin d’information de 20 h. Pour Alexandra Lamy, cette série aura aussi chamboulé sa vie privée. Jean Dujardin, un partenaire de jeu qu’elle ne connaissait pas du tout avant de se présenter à une audition, fut aussi son mari pendant quelques années.

« Je ne sais pas si ce fut une intuition, mais je me rappelle avoir rappelé la directrice de casting – ce qu’on ne fait jamais – pour lui demander de passer une nouvelle audition après en avoir fait une avec un partenaire très beau, mais pas très bon ! raconte-t-elle. Avec Jean, ce fut d’abord un coup de foudre professionnel. Nous avons improvisé pendant deux heures. Au bout du processus, nous étions encore deux actrices sur les rangs et c’est Guy A. qui a tranché. »

Même si tout le milieu les avait prévenues qu’en acceptant de jouer dans une série à la télévision, les portes du cinéma se refermeraient probablement à elles, les deux vedettes françaises d’Un gars, une fille furent parmi les premières à faire mentir cette idée reçue. Considérée essentiellement comme une actrice de comédie, Alexandra Lamy a cependant dû attendre quelques années avant que le spectre s’élargisse.

« Rien n’est plus difficile que de faire une comédie, car elle ne tolère aucun défaut, indique-t-elle. L’histoire, les répliques, le rythme, la réalisation : tout doit être parfait, sinon, ça dérape. Voilà pourquoi les bonnes comédies sont si rares. Et elles sont rarement reconnues à leur juste valeur. Cela dit, je savais que la route serait un petit peu plus longue pour moi que pour mon ex-mari [l’acteur Jean Dujardin]. Déjà, il y a un petit déséquilibre entre les hommes et les femmes. Et puis, Brice de Nice a estampillé Jean extrêmement fort. »

« Quand on est en couple, même s’il n’y a aucune jalousie, aucun sentiment de ce genre, ça peut quand même créer une situation un peu plus difficile pour l’autre et il faut savoir gérer ça. Je me disais : ce n’est pas grave, je serai patiente ! Et un jour, j’arriverai à avoir le choix. »

Ce jour est arrivé quand François Ozon lui a offert le rôle de la mère d’un enfant particulier dans Ricky. J’enrage de son absence, réalisé par Sandrine Bonnaire, et quelques performances au théâtre ont pu mettre en valeur l’étendue de son registre. Dans Chamboultout, le quatrième film qu’elle tourne sous la direction d’Éric Lavaine (Barbecue, Retour chez ma mère), l’actrice a l’occasion d’incarner une femme dont l’histoire s’est déroulée dans la réalité.

Une aidante naturelle

Adapté d’un livre témoignage de Barbara Halary-Lafond, Chamboultout relate d’abord l’histoire d’une femme devenue aidante naturelle pour un mari (José Garcia) dont la vie a complètement changé après un accident. Devenu aveugle, sans mémoire immédiate, l’homme n’a de surcroît plus de filtre, ni dans ses pensées ni dans ses paroles. 

Au-delà de la situation dramatique vécue par cet homme et de l’effet qu’elle provoque dans son entourage, le récit s’attarde aussi à décrire comment la publication de ce livre est reçue par la famille et les amis, qui s’y reconnaissent même si les noms ont été changés.

«  Ce sont des réactions très humaines, souligne l’actrice. Nous ne nous doutions cependant pas à quel point ce film toucherait les proches aidants qui vivent des situations semblables. Ils sont des millions en France. Des associations nous ont écrit pour nous exprimer leur reconnaissance. Et puis, au-delà de l’aspect “mère Courage” de cette femme, que j’ai rencontrée, bien sûr, j’ai été séduite par son attitude. Dès le départ, elle s’est dit que pour être une bonne infirmière auprès de son mari, une bonne mère auprès de ses enfants, elle devait aussi combler sa vie de femme. Elle se disait que si elle n’allait pas bien, tout le monde autour allait en souffrir. »

Alexandra Lamy et Éric Lavaine s’apprêtent par ailleurs à refaire équipe. Ils tourneront vers la fin de l’année Un tour chez ma fille, la suite de Retour chez ma mère.

Chamboultout prendra l’affiche le 3 mai.