Entrer dans l’adolescence ressemble souvent à une expédition dans la jungle. Avec ses pièges, ses prédateurs, ses dangers à tous les tournants. Et si on regardait d’un autre œil ce passage crucial de la vie ? La Presse en a parlé avec Anne Émond et Alexane Jamieson, respectivement réalisatrice et interprète principale du film Jeune Juliette.

L’adolescence aura été une période de tumultes, avec beaucoup de creux de vague, dans la vie d’Anne Émond. La cinéaste de 37 ans n’a toutefois pas bâti son existence sur cet ancien mal-être. Jeune Juliette, son quatrième long métrage de fiction, en fait foi.

« Ce n’est pas parce que tu n’es pas à ton meilleur à 14 ans que tu ne seras pas complètement quelqu’un d’autre à 25 ans, dit-elle en entrevue. À l’adolescence, j’étais enrobée et je me suis fait niaiser à l’école. Je me suis dit qu’un jour, j’en ferais un film. Comme plusieurs coming-of-age, cela aurait pu être un drame. Mais la meilleure façon de l’aborder était pour moi la comédie et l’humour. Parce que des fois, les choses finissent bien aussi. »

S’aimer tel qu’on est

En fait, Anne Émond a voulu montrer que si on regarde d’un autre œil ce qui nous entoure, notre univers va (ou peut) se révéler bien plus accueillant qu’on l’avait imaginé.

La Juliette de son film en est le meilleur exemple. Soit, son embonpoint lui attire les quolibets. Mais elle a un bon père, un gentil grand frère, une ou deux amitiés solides et un sens de la répartie infernal.

Juliette n’est somme toute jamais seule. Mieux encore, elle est un phare pour ses amis qui vivent aussi leurs propres enjeux, dont Léane (Léane Désilets), qui aime les filles, et Arnaud (Gabriel Beaudet), qui vit dans un univers bien à lui.

Tout ce qu’il lui manque est d’en faire le constat.

« Juliette reste la même personne entre le début et la fin du film, argue son interprète Alexane Jamieson, 16 ans. Mais elle apprend qu’elle peut s’en sortir, peu importe les épreuves qui lui tombent dessus. Elle montre à tout le monde que l’enveloppe corporelle, l’image et l’apparence sont ce qui est le moins important chez une personne. »

Mais que répondre aux gens souffrant de leur apparence ? « Que celle-ci compte, mais seulement pour soi », répond Alexane avec aplomb. 

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Interprétée par Alexane Jamieson, Juliette n’est pas sans rappeler le personnage de Laurence (Karelle Tremblay) dans Les êtres chers, autre film d’Anne Émond. Les deux jeunes femmes affrontent l’adversité avec aplomb.

Moi, la personne que je vois dans le miroir, je l’adore. Je me trouve belle dans les vêtements que je porte. S’aimer tel qu’on est, c’est à la base de tout, dont nos relations avec les autres.

Alexane Jamieson

« L’adolescence, c’est se rendre compte que les autres ont un regard sur toi, qu’ils pensent quelque chose de toi, que tu le veuilles ou non. Et que tu dois composer avec cette réalité », résume Anne Émond.

Grand bonheur

Le fait d’avoir, dès le départ, abordé le passage à l’adolescence dans une perspective de comédie a donné des ailes à la scénariste et cinéaste.

« Jeune Juliette a été le film le plus le fun à écrire, à financer [au premier tour !], à tourner et à monter de ma vie, dit-elle. Tous les jours, j’étais heureuse d’écrire quelque chose de comique. J’avais ce désir de dédramatiser les choses. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Ayant plusieurs critères à remplir, Anne Émond a mis tout le temps nécessaire pour choisir la Juliette de son film.

Parfois, j’ai l’impression que le film est une douce vengeance… Je me dis que j’aurais aimé avoir la répartie de Juliette avec les autres. J’aurais aimé, à 14 ans, avoir accès à ce genre de film.

Anne Émond

La sélection d’Alexane Jamieson pour le rôle principal est un des éléments qui ont pris le plus de temps. Parce que Anne Émond avait plusieurs critères à considérer.

« Le seul fait de trouver une actrice de 14-15 ans capable de porter un film sur ses épaules était déjà un défi, dit-elle. En plus, je cherchais à sortir des standards de beauté connus. J’ai trouvé Alexane attachante, mais, à partir de là, j’avais toutes sortes d’autres éléments à vérifier. Le plus important étant de savoir si elle pouvait passer à travers des scènes difficiles. J’ai vu qu’elle avait la force de le faire et qu’elle serait heureuse dans ce tournage. »

La principale intéressée abonde. « Ce tournage a été un cadeau, dit Alexane. J’ai abordé les scènes les plus difficiles comme un défi. Mon personnage et moi, on a fait des échanges. Juliette m’a appris que j’avais plus de caractère que je le croyais. Moi, je lui ai donné plus de tendresse. Car elle a une tête de cochon et se fout des conséquences de ses actes. »

Juliette, on le constatera, a aussi beaucoup d’imagination ! Elle imagine, par exemple, des histoires d’amour qui n’existent pas. Anne Émond reconnaît ici lui avoir donné du sien.

« Moi aussi, j’avais beaucoup d’imagination au secondaire. Ce qui ne m’arrivait pas dans la vraie vie, comme des histoires avec des garçons, je le fabulais. Il m’arrivait beaucoup de choses dans ma tête. »

Elle s’arrête une seconde ou deux, puis elle sourit. « Maintenant, j’écris des scénarios. Ça va ensemble. Je me raconte un peu des histoires. »

Jeune Juliette prend l’affiche le 9 août.