Cinq membres de la communauté atikamekw de Manawan se noient dans un accident de la route. Le village est sous le choc. Ses familles tissées serré tentent de donner un sens à la tragédie, puis de trouver des réponses lorsque des indices pointent vers autre chose qu’un accident…

Chloé Leriche (Avant les rues) est remontée dans le bois pour ce deuxième long métrage réalisé avec la collaboration des Atikamekw de Manawan. Cette fois, elle s’inspire d’une véritable tragédie qui a profondément marqué la communauté installée à un peu moins de 100 kilomètres au nord de Saint-Michel-des-Saints.

Une nuit de juin 1977, une camionnette transportant sept personnes est tombée dans une rivière. Seuls deux des occupants s’en tirent : les deux Blancs. Les cinq autres, tous atikamekw, se noient. La communauté de Manawan est carrément sonnée. Les autorités, elles, traitent l’affaire de manière expéditive et sans égard pour les familles endeuillées.

Ce que montre d’abord la cinéaste Chloé Leriche dans son film tourné en langue atikamekw et sous-titré en français, c’est l’impact dévastateur des cinq morts sur une petite communauté. Sa mise en scène précise impose un rythme particulier et une atmosphère presque cotonneuse. On sent la peine dans le regard posé sur le village et ses gens, perdu dans cette douleur pourtant vécue sous la magnifique lumière du soleil boréal.

Le drame inspiré de faits réels et « des rêves, souvenirs et impressions » des proches est en partie raconté du point de vue d’Angèle Petitquay (Mirociw Chilton), qui était adolescente à l’époque. La cinéaste montre à travers elle la déroute des adultes et la façon dont les enfants cherchent à donner un sens à ce qui vient de se passer. Elle crée ici et là des scènes au symbolisme fuyant, mais touchant. Ses actrices et acteurs sont tous excellents.

Film sensible sur le deuil, Soleils atikamekw est aussi une œuvre sur la solidarité et le racisme. Dans le monde dépeint par Chloé Leriche – et qui ressemble encore beaucoup au nôtre –, les Autochtones sont peu considérés. La police traite l’affaire de manière désintéressée et le coroner est expéditif. Il ne se donne même pas la peine de signaler que certains corps portent des marques de blessures incompatibles avec un accident de la route... La violence de cette indifférence ajoute à la peine des proches.

Seul homme en apparence solide parmi les endeuillés, Marcel (Jacques Newashish) tente d’obtenir qu’une enquête sérieuse ait lieu pour éclaircir les circonstances de cet accident au mieux louche. Sa quête est révélatrice du traitement injuste longtemps réservé aux Autochtones d’ici. On sort de ce film à la fois dur et poétique profondément choqué de ce déni de justice et les yeux plus ouverts à la réalité de voisins qu’on connaît encore trop peu.

En salle

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Soleils atikamekw

Drame

Soleils atikamekw

Chloé Leriche

Mirociw Chilton, Wikwasa Newashish-Petiquay, Oshim Ottawa, Jacques Newashish

1 h 43

8/10