Et si les femmes dirigeaient non pas le monde, mais les États-Unis ? Chaque année, depuis plus de 80 ans, des centaines de jeunes adolescentes jouent le jeu, dans différents camps d’initiation à la politique et à la démocratie. Deux documentaristes les ont suivies au Missouri.

Disons-le d’emblée, même s’il s’agit ici d’un documentaire, Girls State se dévore comme une fiction. Du vrai bonbon, pour tous les fanas de politique, qui se conclut sur une habile note d’admiration, d’espoir, et... d’indignation.

Après Boys State, en 2020, Grand prix du jury à Sundance, Jesse Moss et Amanda McBaine reviennent donc en force avec cette suite au féminin, qui n’en est pas vraiment une.

Notez qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu le premier film pour apprécier le second. Au menu : école de la politique, par l’entremise d’une simili-campagne électorale, course à la direction du parti, débat à la Cour suprême, au féminin seulement, donc, et comme si vous y étiez. Si Boys State a été comparé à une sorte de Lord of the Flies, du côté des filles, c’est cliché, mais c’est vrai : point de foire d’empoigne ici, entre les victoires des unes, et les défaites des autres, ce sont plutôt les amitiés, et autres gestes de solidarité qu’on retient.

Il faut savoir que ces fameux bootcamps politiques (auxquels a notamment participé un certain jeune Bill Clinton) ont été lancés distinctement il y a plus de 80 ans : Boys State (c’est aussi son nom dans la vraie vie) par l’American Legion, association d’anciens combattants ; et Girls State, par l’American Legion Auxiliary, association des femmes et mères des vétérans. Or, pour la toute première fois dans leur histoire, au Missouri, en 2022 – l’année du tournage, donc – les deux activités se sont déroulées en même temps. Sur le même campus : garçons d’un bord, filles de l’autre.

On ne vous révélera rien en vous disant que si les caméras sont certes braquées cette fois sur les jeunes filles, Emily, Maddie, ou Nisha, aspirantes politiciennes en herbe d’origines et allégeances variées, les comparaisons ne manqueront pas. Du code vestimentaire imposé d’un bord, mais pas de l’autre, aux cérémonies d’investiture distinctes (et plus sérieuses d’un bord, on vous laisse deviner lequel), les protocoles sont éhontément différents.

Une chose les unit, et c’est une coach qui le formulera sous un tonnerre d’applaudissements (on vous met au défi de ne pas applaudir aussi) : elles ont toutes été élevées dans un monde qui n’a jamais connu de femme présidente. Dit autrement, comme le glissera une des participantes : elles vivent sous une constitution « écrite il y a des centaines d’années par une bande de vieux hommes blancs ».

Détail non négligeable : tout cela a été tourné en direct, alors que le Missouri restreignait le droit des femmes à l’avortement. Une mise en abyme aussi choquante que brillante.

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Girls State

Documentaire

Girls State

Jesse Moss et Amanda McBaine

Avec Emily Worthmore, Maddie Rowan, Nisha Murali, Tochi Ihekona, Faith Glasgow, et Cecilia Bartin.

1 h 35

8/10