Après avoir observé la forêt boréale dans 7 paysages, Robert Morin pose son regard sur la faune afin de rendre compte de l’utilité de la mort dans la nature et nous place devant notre propre finalité.

Blessé par une flèche, un orignal s’enfonce dans la forêt jusqu’à ce qu’il s’écroule et rend son dernier souffle. Peu après, des mouches, des guêpes et des coléoptères entament l’inespéré festin. Au fil des saisons, se joindront au banquet les corneilles, les pygargues et les urubus, ainsi que les pékans, les ours et les loups. Passeront en vitesse un chasseur (Robert Morin), dégoûté par l’odeur, et un trappeur (Solomon Wawatie), qui souhaitera bon voyage à la bête.

Par sa manière de célébrer la nature qui reprend ses droits, Festin boréal nous renvoie à notre propre finalité avec la même force qu’Une charogne, poème des Fleurs du mal (1857), où Baudelaire juxtapose la beauté de sa bien-aimée à « cette horrible infection ». Ce faisant, à l’instar de Bydlo (2012), magistral court métrage d’animation de Patrick Bouchard, où un bœuf sortant de terre est assailli par des hommes voraces, ce film d’essai de Robert Morin rappelle l’égoïsme de l’être humain face à la nature à laquelle il prend sans redonner.

Au-delà de vouloir traiter de l’utilité de la mort dans la nature, le cinéaste désirait signer une œuvre de cinéma pur, comme il l’avait fait avec 7 paysages, documentaire contemplatif campé dans une forêt traversée d’une rivière.

Pour obtenir cette pureté formelle et cette simplicité apparente, outre du talent et de la créativité, il aura fallu beaucoup de patience, de persévérance et de courage. À des lieues des antifilms d’Andy Warhol des années 1960, où l’artiste se contentait de planter sa caméra devant un homme qui dort (Sleep) ou un édifice (Empire) puis de projeter le tout intégralement, Festin boréal, film de fiction aux yeux de son créateur, a nécessité la collaboration d’artisans émérites.

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4 : 3

Scène de Festin boréal

Émouvant tableau

C’est d’abord par la somptueuse photo de Thomas Leblanc Murray que l’on pénètre dans la forêt sur les traces du quadrupède géant, animé dans certains plans grâce aux bons soins de Patrick Boivin, qui signe les effets visuels fort convaincants. Dénué de narration et de musique, le cinéaste ayant voulu s’éloigner des documentaires animaliers consensuels, Festin boréal bénéficie cependant de l’envoûtante trame sonore de Martin Pinsonneault où se font entendre discrètement les différents bruits de la forêt.

Suivant le montage fluide d’Elric Robichon, le film n’offre que très peu de surprises ni de moments haletants, mais comporte de nombreux plans où le comportement des espèces entre elles provoque l’intérêt quand ce n’est pas l’étonnement. Pour clore ce poème sylvestre de Robert Morin, André-Line Beauparlant, directrice artistique, conçoit un émouvant tableau pastoral au cœur d’une forêt menacée par la présence des bûcherons.

La perspective de contempler la carcasse d’un orignal se décomposer et se faire dévorer pendant plus d’une heure pourrait certes en rebuter plusieurs. Cependant, ce serait se priver d’un rare objet de beauté qui, en plus de nous ensorceler par son hypnotique ballet animalier, offre le spectacle du cycle de la nature dans toute sa grandeur et sa splendeur.

En salle

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Festin boréal

Film d’essai

Festin boréal

Robert Morin

Robert Morin, Solomon Wawatie

1 h 15

8/10