Emma, une jeune cheffe d’orchestre, a une relation toxique avec son père et agent, Patrick. L’ouverture d’un poste au sein d’un grand orchestre exacerbe les tensions entre eux. La relation amoureuse d’Emma avec Naëlle, une violoncelliste mère d’un jeune garçon, pose d’autres défis. Emma aura des choix à faire.

Après la course à pied et la politique, la cinéaste québécoise Chloé Robichaud s’intéresse à la musique symphonique et signe son film le plus personnel, et le plus abouti. Dans Les jours heureux, la cinéaste de Sarah préfère la course et Pays renoue, 10 ans plus tard, avec Sophie Desmarais, l’actrice de son premier long métrage, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 2013.

Sophie Desmarais est émouvante dans le rôle d’Emma, jeune cheffe d’orchestre à la croisée des chemins, qui aspire à un poste prestigieux. Emma est en pleine ascension professionnelle, naviguant entre les hauts et les bas imprévisibles qui accompagnent l’instabilité d’un début de carrière. Sa vie sentimentale, et surtout familiale, n’est pas davantage au beau fixe.

Dans le rôle du père et agent d’Emma, Patrick, Sylvain Marcel est fort crédible en bulldozer à la main de fer dans un gant de velours qui impose, parfois inconsciemment, ses aspirations à sa fille. Maude Guérin est tout aussi juste dans la nuance du désarroi et de la colère de la mère coincée entre les ambitions de son mari imprésario et sa fille prodige.

Emma, alter ego de Chloé Robichaud, prend peu à peu la mesure de la relation toxique qu’elle entretient avec son père exigeant et jamais satisfait. On reconnaît en Patrick l’archétype des parents tellement obsédés par la réussite de leurs enfants talentueux, dans le monde des arts comme du sport, qu’ils sont prêts à mettre en péril leur relation avec eux.

Emma vit aussi une relation amoureuse complexe avec Naëlle, une violoncelliste de l’orchestre qu’elle dirige, mère d’un jeune garçon, qui vient de se séparer du père de celui-ci. Emma est pressée d’officialiser leur relation. Naëlle essaie de lui faire comprendre que des enjeux familiaux et culturels entrent aussi en ligne de compte.

Libération et progression

Les jours heureux traite autant de la famille, celle qui est choisie et celle qui est imposée, que de la musique, qui a bien sûr une place de choix dans le scénario de Chloé Robichaud. En trois temps et trois œuvres qu’elle dirige – de Mozart, Schönberg et Mahler –, on suit la progression d’Emma, d’abord engoncée dans le carcan des convenances, puis se libérant du poids des attentes et du doute.

On reconnaît à l’écran plusieurs musiciens de l’Orchestre Métropolitain. Son chef et directeur artistique Yannick Nézet-Séguin a agi à titre de conseiller artistique et technique sur le film. On reconnaît aussi son style enveloppant, notamment en répétition, grâce au personnage du mentor d’Emma, incarné avec finesse par Vincent Leclerc. Un mentor qui, dans une scène pivot du film, invite la perfectionniste qu’est Emma à lâcher son fou et à se laisser aller à sa passion pour la musique.

Subtil, Les jours heureux évite le piège du manichéisme dans l’illustration de la relation toxique entre la fille et le père. J’ai même cru un moment que Chloé Robichaud résisterait à la tentation d’expliquer pourquoi Patrick agit comme il agit avec Emma. L’autrice-cinéaste finit (malheureusement) par y céder. Sans doute pour mieux nourrir une séquence finale qui fait place aux retours en arrière pendant qu’Emma dirige l’adagietto de la Cinquième de Mahler.

Il reste qu’en faisant le pari de se tenir au plus près des acteurs, et en particulier de Sophie Desmarais, grâce à de gros plans ou à une caméra à l’épaule, Chloé Robichaud plonge dans l’émotion. On épie ses gestes. On a l’impression d’être dans sa tête, de mesurer ses espoirs et ses déceptions, de deviner son anxiété de performance. De plonger avec Emma dans ce qu’elle contrôle, tente de contrôler, et ne peut contrôler. C’est ce qui fait des Jours heureux un objet de cinéma aussi libre qu’émouvant.

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Les jours heureux

Drame

Les jours heureux

Chloé Robichaud

Sophie Desmarais, Sylvain Marcel, Nour Belkhiria

1 h 58
En salle

7,5/10