Au lendemain de la mort de sa mère, Elsie se fait imposer une mission : retrouver les cinq maris de la défunte et les convier à en souligner la disparition par un geste symbolique. Embarquée malgré elle dans cette quête, la jeune femme découvrira des êtres tendres qui contribueront à rallumer une flamme dans son cœur.

Un premier film ressemble souvent à un premier rendez-vous : un mélange d’envies et de doute, de timidité et de dévoilement. Anik Jean (réalisation) et Maryse Latendresse (scénario) ont admis toutes les deux avoir attendu (trop) longtemps avant d’oser se lancer en cinéma. Les hommes de ma mère ne porte toutefois aucune trace d’hésitation ou de retenue : c’est une œuvre qui impressionne par sa maîtrise et ses nuances.

Elsie (Léane Labrèche-Dor), personnage au cœur de l’histoire imaginée par Maryse Latendresse, traverse un deuil. Sa mère, dont elle était proche même si on soupçonne que leur relation n’était pas simple, meurt à la première scène. Une mort prévisible. La surprise, c’est plutôt le legs fait par la mère à sa fille : sous la forme d’une lettre notariée, elle lui demande de retrouver chacun de ses cinq ex-maris. Chacun d’entre eux devra ensuite disperser un cinquième de ses cendres à un endroit significatif.

PHOTO LAURENCE GRANDBOIS BERNARD, FOURNIE PAR IMMINA FILMS

Léane Labrèche-Dor dans une scène du film Les hommes de ma mère

Rien pour moi ? demande Elsie, incrédule. Le notaire (Louis-George Girard) confirme : elle est l’unique héritière des biens matériels de sa mère Anne (Anne-Marie Cadieux), mais cette dernière n’a laissé aucun mot tendre pour sa fille, geste qui ajoute colère et frustration à la peine et au sentiment de flottement qu’Elsie ressent déjà.

On connaît tous l’expression voulant que ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage. Les hommes de ma mère montre qu’elle n’est pas tout à fait juste : si c’est le voyage qui fait le film, la destination en constitue un point d’orgue absolument touchant.

Des esprits cyniques trouveront peut-être que le récit mène à une conclusion prévisible. Elle ne sonne pas moins vraie pour autant. Surtout que tous les artisans du film ont évité le piège principal qui aurait pu les guetter : la mièvrerie.

L’une des forces du scénario fin de Maryse Latendresse est de montrer qu’une seule et même personne peut trouver quelque chose à aimer dans des personnes en apparence totalement différentes. Les hommes de ma mère bénéficie aussi de la vision claire et de l’instinct sûr d’Anik Jean, artiste connue surtout pour ses disques rock qui signe ici son premier film d’importance, qui met en scène avec beaucoup de nuance des hommes tous habités par une sorte de tendresse.

Il se dégage du long métrage une vérité touchante, qui tient beaucoup au talent de Léane Labrèche-Dor qui, osons le cliché, porte ce film sur ses épaules. Son jeu, tout en retenue, est d’un naturel épatant.

Ses colères et ses déceptions grondent en dedans et, même dans les scènes un peu plus comiques, elle ne perd jamais de vue le caractère dramatique de l’histoire à laquelle elle contribue à donner vie. Ses partenaires de jeu partagent tous ce sens de la mesure, et on se doit de souligner l’interprétation de Benoît Gouin, à la fois attendrissant et drôle en propriétaire de bar pas particulièrement à l’aise avec les émotions.

Anik Jean l’admet volontiers, elle a été à l’écoute de ses acteurs (tous chevronnés) et de leurs propositions. Ce qui l’a a certainement servie. Or, son film n’aurait pas cette cohérence si elle n’avait pas elle-même une intuition aussi juste et la sensibilité nécessaire pour trouver les pistes les plus porteuses dans ce que son équipe avait à lui proposer.

Les hommes de ma mère s’avère une œuvre maîtrisée et touchante. Un film beau (la direction photo et la mise en scène sont franchement réussies), plein de musique (la bande sonore compte du Nick Cave autant que du Mara Tremblay), qui affiche ses ambitions artistiques sans jamais se prendre pour un film d’esthète. Ce qu’on ne va certainement pas lui reprocher. Maryse Latendresse et Anik Jean entrent dans le monde du cinéma par la grande porte avec ce film-là.

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Les hommes de ma mère

Drame

Les hommes de ma mère

Anik Jean

Avec Léane Labrèche-Dor, Colm Feore, Patrick Huard, Jean-Simon Leduc, Marc Messier et Benoît Gouin

2 h 06

7,5/10