Sea, sex and sun, chantait Serge Gainsbourg. Dans Infinity Pool (Débordement), son troisième long métrage, le Canadien Brandon Cronenberg ajoute quelques ingrédients à la formule : violence, drogues et peine de mort. Avec pour résultat un thriller de science-fiction aussi captivant que sordide.

Le romancier d’un seul roman, James (Alexander Skarsgård), et sa femme (Cleopatra Coleman), qui se trouve à être la fille fortunée de son éditeur, prennent des bains de soleil et des repas à thématique tantôt indienne, tantôt asiatique, dans la station balnéaire paradisiaque d’une dictature fictive d’Europe de l’Est (les scènes extérieures ont été tournées en Croatie).

James n’a pas publié de livre depuis six ans, ce que lui fait remarquer avec un soupçon de reproche dans la voix une jeune admiratrice. Un peu de flagornerie regonfle un ego meurtri. Cette mystérieuse et aguichante Gabi (Mia Goth), accompagnée de son mari Alban (Jalil Lespert), fera prendre un virage inattendu à ce voyage sans histoire, censé ressourcer et inspirer l’écrivain.

Au cours d’une escapade interdite des deux couples hors des murs barbelés du complexe hôtelier, James percute et tue un paysan avec une voiture empruntée illégalement. Il sera arrêté pour délit de fuite et contraint par les autorités locales de choisir entre vivre sa propre mort, aux mains du fils aîné de sa victime... ou assister à l’exécution de son double, résultat d’un procédé de clonage ultra-secret. À condition, bien sûr, d’allonger plusieurs dizaines de milliers d’euros en bakchich. Comme le veut l’expression anglaise : The rich can get away with murder.

Cette expérience inédite aura un effet immédiat sur James, à la fois traumatisé et revigoré par le spectacle de sa propre mort. Un traumatisme qu’exploitera Gabi, une séductrice particulièrement tordue, afin d’attirer James dans sa toile de sexe, drogues, violences et horreurs en tout genre. On ne dit pas que Mia Goth, troublante et terrifiante, est la nouvelle scream queen pour rien.

La comédienne britannique est diablement efficace dans le rôle de cette prédatrice perverse qui ne lâche pas sa proie. Alexander Skarsgård est tout aussi convaincant dans le rôle de cet artiste – et de son double – hagard, passif, dépassé par les évènements, puis enivré par son nouveau rôle de mâle alpha accueilli dans une secte menée par une irrésistible gourou.

Ces vacances de luxe qui virent à la catastrophe évoquent à la fois la chanson Hotel California, le mégasuccès des Eagles, la série White Lotus et ses disparités entre classes ouvrière et bourgeoise, les visions cauchemardesques de Lost Highway de David Lynch (Skarsgård faisant penser à Bill Pullman) et l’effet miroir de Dead Ringers de Cronenberg père.

On trouve à la fois dans Infinity Pool du body horror, du gore, des masques grotesques de rituels anciens, du sang à profusion, des orgies hallucinées et du sexe explicite (même si une version censurée est présentée en salle).

Il y a beaucoup d’éléments à décortiquer dans ce film foisonnant d’intensité de Brandon Cronenberg, en pleine possession de ses moyens. Il réussit à créer une ambiance inquiétante, suffocante, anxiogène, grâce à une réalisation tour à tour nerveuse et atmosphérique, d’images saccadées et de ralentis psychédéliques. La musique lancinante ajoute à cette impression d’oppression et d’angoisse.

Le scénario de Cronenberg s’intéresse à la mort comme spectacle, au besoin de sensations fortes de gens qui se sentent étrangers à leur propre vie, au combat contre l’image qu’on se fait de soi. Est-ce James ou son double qu’on a exécuté ? A-t-il pris plaisir à voir ces images insoutenables ? Qu’est-ce qui relève du réel et de l’imaginaire, dans cet univers de science-fiction fantasmé ?

Brandon Cronenberg se retient de répondre à toutes les questions philosophiques que pose son récit, et on finit par un peu renoncer à tout comprendre. Jusqu’à la dernière image du film, énigmatique, qui propose une toute nouvelle interprétation à ce que l’on vient de voir.

Infinity Pool est présenté en salle en version originale anglaise et en version française.

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Infinity Pool (V. F. : Débordement)

Thriller

Infinity Pool (V. F. : Débordement)

Brandon Cronenberg

Avec Alexander Skarsgård, Mia Goth, Thomas Kretschmann

1 h 57

7,5/10