Lors d’une récente entrevue, Margot Robbie a décrit Babylon comme un croisement entre La dolce vita et The Wolf of Wall Street. Il est vrai qu’en visitant le vieil Hollywood décadent à une époque où tout a basculé à cause de l’arrivée du son au cinéma, Damien Chazelle s’est complètement lâché.

Envolé l’aspect romantique et doucereux de La La Land, place maintenant à une vision orgiaque et excessive, où le sublime côtoie le grotesque, où la farce taquine le drame, quand elle ne sombre pas dans le mauvais goût ou carrément dans l’horreur.

Malgré cette volonté manifeste de montrer l’envers du décor et de débusquer une trame narrative allant à l’encontre de l’histoire officielle, il émane néanmoins de Babylon un amour incommensurable du 7e art. Voilà surtout ce qu’on retiendra de cette virée d’un peu plus de trois heures qui ne laisse pratiquement aucun répit. C’est parfois poignant, agaçant par moments, souvent d’allure bordélique (au point où l’on se demande si Chazelle sait vraiment où il va), mais toujours divertissant. Babylon fait partie de ces expériences inédites, qui marquent l’esprit.

Dans un récit où figurent une quantité impressionnante de personnages – et quelques centaines de véritables figurants évoluant dans de vrais décors –, on suit plus particulièrement le parcours de trois personnages. Campée d’abord en 1926, à une époque où Los Angeles n’avait encore rien de la mégalopole que l’on connaît, l’histoire commence avec celle de Manny Torres (Diego Calva), un jeune mexicain prêt à tout pour décrocher un emploi dans la ville du rêve. On fait sa connaissance au moment où il se fait embaucher pour assurer la bonne livraison d’un éléphant – oui, un éléphant – au domicile d’un producteur influent, où aura lieu une fête grandiose.

C’est d’ailleurs en entendant parler de cette soirée que l’apprentie actrice Nellie LaRoy (Margot Robbie) s’y rend sans aucune gêne, bien déterminée à se faire remarquer et à devenir l’une des plus grandes vedettes du grand écran. Lors de cette soirée complètement ivre de musique, de danse, de drogue, d’alcool et de sexe, Nellie et Manny sympathiseront et formeront une sorte d’équipe pour la suite des choses. Jack Conrad (Brad Pitt), étoile du cinéma muet dont les plus beaux jours de la vie professionnelle sont plutôt derrière que devant, sera quant à lui témoin de leur ascension.

À la fois hilarant et dramatique

Après cette scène digne des bacchanales, qui semble incroyable tellement elle représente un défi de réalisation hors du commun, Damien Chazelle s’attarde à décrire le parcours de ses trois personnages principaux au cours des années subséquentes, alors que le cinéma se transforme non seulement dans son aspect technique, mais aussi dans sa nature même. On parle désormais d’une nouvelle industrie où tous les artisans doivent s’ajuster à une autre réalité. À cet égard, les scènes de tournage se révèlent très éloquentes, à la fois hilarantes et dramatiques.

PHOTO SCOTT GARFIELD, FOURNIE PAR PARAMOUNT PICTURES

Dans Babylon, Margot Robbie livre une performance spectaculaire en se glissant dans la peau d’une jeune actrice ambitieuse, qu’aucune inhibition ne semble vouloir freiner.

Margot Robbie livre une performance spectaculaire en se glissant dans la peau d’une jeune femme ambitieuse, qu’aucune inhibition ne semble vouloir freiner. Elle brûle l’écran. Face à elle, Diego Calva est une révélation. Brad Pitt est également remarquable dans une composition plus sobre, bien conscient de la prestance de son personnage, mais aussi de sa fragilité.

Les cinéphiles férus d’histoire du cinéma prendront assurément plaisir à associer les différents personnages aux véritables artisans les ayant inspirés, mais ce foisonnement finit par laisser une impression générale d’improbable fourre-tout auquel participe trop de monde. On comprendra en outre mal cet épisode mettant en vedette Tobey Maguire (dans le rôle d’un producteur complètement disjoncté), dont l’étrange tonalité s’arrime très mal au reste.

Heureusement, Babylon (Babylone en version française) est rattrapé par un dernier acte fort émouvant, au cours duquel la magie du cinéma retrouve ses droits. Mais à quel prix ?

Babylon (V. F. : Babylone)

Drame

Babylon (V. F. : Babylone)

Damien Chazelle

Avec Margot Robbie, Diego Calva, Brad Pitt

3 h 08
En salle

7/10