Bardo, fausse chronique de quelques vérités est le premier film qu’offre Alejandro González Iñárritu depuis The Revenant, qui lui a valu un deuxième Oscar de la meilleure réalisation, un an après Birdman. Ce septième long métrage est aussi le premier que tourne le cinéaste mexicano-américain dans son pays d’origine depuis Amores perros, qui l’a révélé en l’an 2000.

On sent d’ailleurs que cette nouvelle œuvre, d’abord lancée à la Mostra de Venise dans une version plus longue de 15 minutes, découle du profond questionnement existentiel d’un réalisateur installé à Los Angeles depuis plus de 20 ans. En y allant d’envolées souvent surréalistes, Alejandro González Iñárritu propose une réflexion sur son propre parcours, à travers le destin d’un homme toujours habité par l’état d’esprit de son pays d’origine. Ce faisant, il évoque l’histoire du Mexique, sa culture, le rapport conflictuel avec les États-Unis, le drame des migrants qui tentent de gagner la frontière américaine et doivent recommencer leur vie à partir de rien (contrairement à lui, un « immigrant de première classe »), et la dynamique particulière qui s’installe au sein d’une famille binationale.

PHOTO RODRIGO JARDON, FOURNIE PAR NETFLIX.

Daniel Giménez Cacho est la tête d'affiche de Bardo, fausse chronique de quelques vérités, un film d'Alejandro González Iñárritu.

Sans être autobiographique (on parle d’une « fausse chronique » dans le titre), Bardo est sans contredit le film le plus personnel de l’auteur de Babel. Cinéma et songes se mêlent à la réalité pour raconter le tourment intérieur dans lequel se trouve Silverio, un éminent journaliste, également documentariste, alors que ce dernier retourne au Mexique pour y recevoir une grande distinction. La préparation et la tenue de cette soirée de gala occupent d’ailleurs une place importante dans le récit. Interprété par Daniel Giménez Cacho, vu notamment dans Y tu mamá también (Alfonso Cuarón) et La mauvaise éducation (Pedro Almodóvar), l’alter ego du cinéaste laisse d’instinct remonter à la surface sa mémoire sensorielle.

Un monde onirique

Celui qui nous a aussi offert Babel et Biutiful donne le ton de son nouveau long métrage d’entrée de jeu en proposant un monde où l’onirisme prend le pas sur la réalité. Après l’apparition de l’ombre de Silverio, qui survole le désert mexicain, nous assistons à l’accouchement d’un bébé qui, à peine né, décide de retourner dans le sein de sa mère (formidable Griselda Siciliani dans le rôle de l’épouse de Silverio) « parce qu’il trouve le monde trop fucké », explique le médecin au père.

Dans ce monde où Amazon s’apprête notamment à acheter – quoi de plus simple – toute la Basse-Californie pour en faire son propre territoire, souvenirs intimes et collectifs s’entremêlent pour offrir une allégorie de l’identité et de la culture mexicaine.

Ponctué de séquences visuellement très fortes, nourri d’observations sociales et politiques très senties (l’installation de réalité virtuelle Carne y Arena fut visiblement marquante pour Alejandro González Iñárritu), Bardo paraîtra sans doute trop foisonnant – ou trop éparpillé – pour faire l’unanimité. On pourrait aussi y voir un exercice fondamentalement narcissique. Le fait est que Bardo comporte pourtant d’immenses moments de cinéma, orchestrés par l’un des plus grands cinéastes contemporains. À voir sur grand écran de préférence.

Bardo, fausse chronique de quelques vérités est à l’affiche à Montréal dans quelques salles en version originale espagnole avec sous-titres français ou anglais. Il sera offert sur Netflix à compter du 16 décembre.

Bardo, fausse chronique de quelques vérités

Comédie dramatique

Bardo, fausse chronique de quelques vérités

Alejandro González Iñárritu

Avec Daniel Giménez Cacho, Griselda Siciliani, Íker Sánchez Solano

2 h 39
En salle

8/10