Dès la première scène de Lignes de fuite, on sent, comme Audrey, Valérie et Sabina, l’effervescence d’un vendredi soir qui s’annonce festif.

Elles viennent de clore leur semaine de travail en écoutant la chronique culturelle de Valérie (Léane Labrèche-Dor), qui traite l’animateur de son émission de radio de « mononcle ».

Au son des tubes Say It Right, de Nelly Furtado, et Drinking in L. A., de Bran Van 3000, elles se préparent pour leurs grandes retrouvailles.

« Montréal n’est pas prête pour trois Beauceronnes on fire ! », lance Mariana Mazza, qui joue le personnage de Sabina, une fille d’immigrants qui a une carrière faste dans le domaine de la finance.

Audrey la comptable (Catherine Chabot) et son fiancé (Maxime de Cotret) doivent faire la route Beauce-Montréal, alors que Valérie (Léane Labrèche-Dor) rentre chez elle à vélo pour retrouver son chum intellectuel quelque peu snob (Mickaël Gouin) avec qui elle partage des valeurs environnementales et un couple ouvert. Quant à Sabina, elle prévoit les derniers préparatifs pour la fin de soirée qui doit avoir lieu dans son luxueux condo.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Catherine Chabot, Léane Labrèche-Dor et Mariana Mazza, dans Lignes de fuite

Tous ont d’abord rendez-vous au vernissage d’Amber, la copine de Sabina (interprétée par Victoria Diamond). Mais rapidement, le bonheur de se retrouver s’estompera au profit de conversations malaisantes et de règlements de comptes.

Les trois amies n’ont manifestement plus les mêmes valeurs ni les mêmes idéaux. Elles confrontent leurs idées tout en jalousant ce qu’elles n’ont pas de l’une et l’autre... Tout y passe : « le vortex de la maternité », « transcender sa classe sociale », « l’agonie du futur », ainsi que l’écoanxiété.

Les dialogues évitent les clichés et sont jouissifs, tout comme les références aux années 2000. Citons « les cotons ouatés Roxy », l’Album du peuple, de François Pérusse, et la chanson Et cetera, de Gabrielle Destroismaisons, que les filles chantent en cœur au karaoké.

Une comédie dramatique dans toute sa splendeur

Catherine Chabot a adapté sa pièce de théâtre Lignes de fuite en cosignant le scénario avec Émile Gaudreault et en partageant la réalisation avec Miryam Bouchard (Mon cirque à moi, 23 décembre, M’entends-tu ?). Elle accouche ainsi d’un film aussi drôle que saisissant, mais surtout dans l’air (chargé) du temps. Disons que Lignes de fuite porte bien son titre de comédie dramatique.

Les réalisatrices ont bien exploité la carte postale qu’est Montréal, notamment le long du canal de Lachine. Alors que la première moitié du film a une ambiance de virée urbaine dans la nuit, un huis clos de 45 minutes dans le condo de Sabina nous mène à la fin...

On apprécie alors pleinement les répliques assassines des personnages. Même la douce Amber ira d’une charge contre les francophones québécois avec qui c’est difficile d’entrer en relation malgré les apparences.

Le jeu des acteurs est aussi d’une grande justesse, mais soulignons que Mariana Mazza nous surprend à jouer avec une retenue insoupçonnée vu son tempérament naturel très expressif.

Lignes de fuite a tout du bon film aussi intelligent que divertissant avec une durée salutaire de 90 minutes. Les jeunes au carrefour de la trentaine seront particulièrement interpellés par les thématiques du succès, de la parentalité et de la reconnaissance, mais toutes les générations se retrouveront dans le combat intérieur des personnages.

Nous ressentons tous à un moment de notre vie un décalage entre qui nous sommes et qui nous voulons être. Entre notre soif de consommer et notre désir d’améliorer le sort de la planète. Entre le soin de préserver de vieilles amitiés et le désir de s’en affranchir.

En salle

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Lignes de fuite

Comédie dramatique

Lignes de fuite

De Catherine Chabot et Miryam Bouchard
Avec Mariana Mazza, Catherine Chabot, Léane Labrèche-Dor, Mickaël Gouin, Victoria Diamond et Maxime de Cotret

En salle

1 h 35

8/10