C’est une histoire de couple. C’est aussi une histoire de cinéma. Malcolm & Marie est un film écrit et réalisé par Sam Levinson, connu grâce à Assassination Nation et à la série Euphoria.

Étant le fils de Barry Levinson (à qui l’on doit notamment Good Morning, Vietnam et Rain Man), l’homme de 36 ans a baigné dans ce milieu toute sa vie. Cela n’est pas un détail anodin, car le réalisateur en a long à dire sur la critique et la fâcheuse tendance qu’elle a, selon lui, de toujours mesurer une œuvre à l’aune du bagage identitaire de celui ou celle qui la crée.

Voilà d’ailleurs l’un des sujets qui ponctuera la longue discussion dans laquelle s’engageront Marie (Zendaya) et Malcolm (John David Washington) dans leur luxueuse maison de Los Angeles, au retour de la grande soirée de première du nouveau film que Malcolm a écrit et réalisé.

Il est déjà 1 h du matin. Marie, aussi spectaculaire dans sa robe de soirée que le sont les images en noir et blanc de Marcell Rév, se dirige immédiatement vers la salle de bain avant de préparer un bol de macaroni au fromage pour son amoureux. Pendant ce temps, l’amoureux en question, flottant visiblement sur un nuage (son film a été chaleureusement accueilli par les invités), met du James Brown et bouge un peu au son de Down and Out in New York City. On sent toutefois rapidement que cette soirée ne s’annonce pas aussi parfaite qu’elle semble l’être.

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Zendaya et John David Washington dans Malcolm & Marie, un film de Sam Levinson

Dans les innombrables personnes que Malcolm a remerciées en les citant dans son allocution lors de la première, une seule a été oubliée : Marie. Même si le couple est solide, cet impair cache néanmoins un malaise très profond. Les deux amants se verront forcés à se lancer leurs quatre vérités à la figure, parfois de cruelle façon.

Une tirade mémorable

En plus de cette crise intime, Sam Levinson profite de l’occasion pour se vider le cœur à propos du monde du cinéma. Il s’interroge en outre sur les affres de la création à une époque où les questions identitaires sont exacerbées, et où bien des artistes se demandent ce qu’ils ont le droit de faire. Ou non.

Au cours d’une tirade mémorable, Malcolm fulmine contre une « vieille critique blanche » du Los Angeles Times – elle a pourtant encensé son film – qui voit en lui le prochain Spike Lee ou Barry Jenkins, alors qu’il se réclamerait plutôt de William Wyler. Doit-on, demande-t-il, obligatoirement donner une connotation politique à un film réalisé par un cinéaste afro-américain et le percevoir comme tel ?

Le thème inépuisable de la licence artistique est par ailleurs aussi abordé. Marie voit décidément beaucoup trop de ressemblances entre elle et le personnage d’ancienne toxicomane autour duquel Malcolm a construit le récit de son long métrage…

La structure théâtrale des dialogues – Malcolm & Marie ne comporte que deux personnages – incite visiblement Sam Levinson à compenser l’impression de huis clos par des effets un peu m’as-tu-vu au chapitre de la réalisation. Indéniablement splendide sur le plan visuel, son film est un bel exercice de style dont le point de départ rappelle celui de Who’s Afraid of Virginia Woolf ?. Certaines scènes évoquent également d’autres classiques du genre, notamment Eyes Wide Shut.

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Malcolm & Marie, de Sam Levinson

Dans cette joute psychologique et verbale qui baigne souvent dans un climat de sensualité, Zendaya et John David Washington se démarquent magnifiquement.

Malcolm & Marie (V. F. : Malcolm et Marie) est offert sur Netflix.

★★★½

Malcolm & Marie (V. F. : Malcolm et Marie). Drame de Sam Levinson. Avec Zendaya, John David Washington. 1 h 46.