Cette adaptation cinématographique du roman de Thomas Savage, publié en 1967, n’est pas un western comme les autres. La cinéaste Jane Campion, dont le retour au grand écran après 12 ans d’absence ne pourrait être plus grandiose, utilise en effet les codes du genre pour en faire de la poésie visuelle, un peu comme l’a fait Terrence Malick à l’époque de Days of Heaven. Un long métrage classé « western » a rarement été aussi « beau » à regarder.

Cela dit, la puissance évocatrice de The Power of the Dog va bien au-delà de son aspect esthétique. Elle réside également dans cette façon de mener à bout un récit dont les ressorts dramatiques s’enchaînent subrepticement pour construire une joute psychologique implacable.

N’ayant rien tourné pour le cinéma depuis Bright Star, la réalisatrice de The Piano, qui a consacré plusieurs années à la série Top of the Lake, est au sommet de son art en portant à l’écran une histoire où, pour la première fois dans son cinéma, des personnages masculins sont les protagonistes. Campé dans le Montana d’il y a un siècle (le tournage a cependant eu lieu en Nouvelle-Zélande), The Power of the Dog relate le parcours de deux frères très intimes, dont la dynamique implose le jour où l’un d’eux ramène une femme dont il est amoureux au ranch qu’ils dirigent.

Même s’ils ne pourraient être plus différents de tempérament l’un de l’autre, Phil (Benedict Cumberbatch) et George (Jesse Plemons) vivent — et dorment — ensemble depuis 40 ans. La personnalité dominante de l’un contraste avec la nature plus discrète et bonasse de l’autre. George se laisse même régulièrement insulter par son frangin. Leur destin bascule le jour où ils se rendent, avec les hommes travaillant au ranch, au restaurant de l’hôtel de la place, maintenant géré par Rose (Kirsten Dunst), une femme récemment devenue veuve.

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Benedict Cumberbatch et Kodi Smit-McPhee dans The Power of the Dog (Le pouvoir du chien), un film de Jane Campion

C’est là que Phil décide spontanément de montrer qui est le maître en se moquant cruellement de Peter (Kodi Smit-McPhee), le fils de Rose, devant tout le monde. D’apparence plus fragile, affichant un talent artistique certain (il a pris la peine de créer des fleurs de papier pour décorer toutes les tables), Peter représente visiblement aux yeux de Phil, macho incurable, tout ce que ce dernier déteste chez un homme ne correspondant pas à sa définition de la virilité. Il appert pourtant qu’en consolant la veuve éplorée après l’esclandre, George a développé avec elle un lien qui le mène à l’autel. Phil n’aura alors plus comme dessein que de détruire psychologiquement ces étrangers venus chambouler son ordre des choses.

Résolument moderne

Avec finesse, sensibilité et sensualité, appuyée notamment par une trame musicale riche d’atmosphères (signée Jonny Greenwood), Jane Campion raconte une histoire beaucoup plus complexe — et ambiguë — qu’elle pourrait le paraître au premier abord.

Même si The Power of the Dog, coproduit par le Québécois Roger Frappier, puise son inspiration dans la tradition d’une autre époque, son film est résolument moderne et distille un propos faisant écho à des préoccupations de notre temps, notamment quant à la notion de masculinité toxique.

Mettant en valeur un quatuor d’exception, ce long métrage est d’évidence marqué par la remarquable performance de Benedict Cumberbatch (une citation aux prochains Oscars semble déjà assurée), mais aussi celle de Kodi Smit-McPhee. L’acteur australien a en effet su traduire la force tranquille et la résilience d’un personnage plus singulier, sur qui repose une intrigue dont l’évolution soutient l’intérêt jusqu’au dénouement. Du même coup, The Power of the Dog nous rappelle, comme si besoin était, la place qu’occupe toujours Jane Campion dans le cercle restreint des plus grands cinéastes contemporains.

The Power of the Dog (Le pouvoir du chien est le titre en français) est à l’affiche en version originale sous-titrée en français au Cinéma Moderne et au Cinéma du Musée. Dès le 22 novembre, il tiendra l’affiche à la Cinémathèque québécoise et sera ensuite offert sur Netflix dès le 1er décembre.

En salle ce vendredi et sur Netflix le 1er décembre.

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The Power of the Dog

Drame

The Power of the Dog

Jane Campion

Avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Jesse Plemons

2 h 06

8/10