Une guide propose une odyssée à travers le Québec, errant sur le fleuve Saint-Laurent et ses milliers d’îles.

Archipel a très peu d’équivalents dans le cinéma québécois, si ce n’est le septième art libre d’attache de Gilles Groulx et de quelques réalisateurs contemporains, dont Simon Beaulieu et le duo formé de Mathieu Denis et de Simon Lavoie.

Cela aurait très bien pu donner un documentaire classique à saveur historique sur la voie maritime de la Belle Province. C’est pourtant mal connaître son cinéaste Félix Dufour-Laperrière, amateur de Chris Marker (Sans soleil), qui plonge à nouveau dans un récit non narratif (après Transatlantique) et animé (faisant suite à Ville-Neuve).

À partir du réel, la matière première embrasse la fiction, se déployant au sein d’une imagination vive et sans limites, aussi hypnotisante que fascinante. Les couleurs jaillissent du néant, les mélodies de Feu doux bercent l’âme et l’animation change constamment de style et de registre, foisonnant de détails et de lyrisme. La poésie est à la barre du navire, déchiffrant un nouveau monde.

Pendant que les sens sont en ébullition, les métaphores abondent. En superposant le passé au présent, en arpentant un territoire parfois fantasmagorique, cet ovni expérimental s’inscrit dans l’inconscient, rêvant d’un pays sans frontière, visualisant de meilleurs lendemains. Un sous-texte politique qui se développe en filigrane, prenant soin de ne jamais éclipser le cœur de l’essai que sont les images et le son.

Une image vaut mille mots

On ne peut en dire autant des dialogues, a priori puissants et soignés, qui, à force d’excès, finissent par créer un ressac où les mots figés et maniérés perdent de leur intensité. L’invention menant le bal, elle aurait pu être davantage poussée dans sa façon d’intégrer la parole à la forme en place, ce qui est le cas lorsque Joséphine Bacon récite un de ses recueils en innu-aimun. Ce qui figure à l’écran est tellement beau et fortifiant que le reste apparaît superflu et redondant.

Un faux pas comme une goutte d’eau dans l’océan, sublimé par le généreux geste artistique qui élargit et repousse sans cesse les possibles politiques et cinématographiques en mettant le cinéphile au centre de ses préoccupations. C’est lui qui vit ce voyage unique, méditant s’il le désire sur ses tenants et aboutissants, alors qu’il peut tout simplement se laisser transporter par ce flux impressionniste, troquant l’analyse pour les émotions.

L’expérience qui en ressort, marquante à bien des égards, donne le goût de s’y immerger plus d’une fois, tant elle est riche de sens. Assurément une des grandes fresques québécoises de 2021.

En salle.

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Archipel

Animation

Archipel

Félix Dufour-Laperrière

Avec les voix de Florence Blain Mbaye, Mattis Savard-Verhoeven, Joséphine Bacon

1 h 12

8/10