Avocate vivant en ville où elle rédige une maîtrise, Mani (Devery Jacobs) retourne dans sa communauté autochtone pour poursuivre ses recherches. Elle prend dès lors position dans un projet de référendum sur la vente libre d’alcool qui menace le commerce illégal de Laura (Pascale Bussières), une Blanche vivant avec un membre de la communauté.

Artiste multidisciplinaire, Caroline Monnet fait son chemin avec conviction dans le milieu des arts où chacune de ses nouvelles œuvres est accueillie avec intérêt. Son film Bootlegger, premier long métrage de son cru, s’inscrira, selon nous, dans cette continuité.

Parce que Bootlegger parle de réalités et de préoccupations propres aux communautés autochtones sans les imposer. Notre impression, très forte, a été de voir un film dramatique comme un autre. Un film qui s’inscrit dans un continuum, celui de la cinématographie québécoise.

Le spectateur est vite aspiré dans cette histoire à la fois éthérée et campée. Celle-ci se passe dans un lieu qui avait tout pour être bucolique, mais qui, au contraire, est recouvert d’un vernis un peu glauque, un peu mystérieux, où un affrontement se dessine entre deux groupes dont chaque individu demeure sur ses gardes.

La tension latente est maintenue grâce au jeu tout en retenue de chacun des comédiens et surtout des comédiennes, parce que la réalisatrice donne ici la parole aux femmes. Aux deux actrices principales, Devery Jacobs et Pascale Bussières, s’ajoutent en effet Joséphine Bacon (quel plaisir de retrouver la vedette du documentaire Je m’appelle humain) et Dominique Pétin, excellente dans le rôle de Jeanne, cheffe du conseil de bande.

En entrevue, Caroline Monnet disait, à juste titre : « Le changement se passe souvent par les femmes. Elles sont aux barricades, au premier plan des mouvements sociaux. Elles sont comme des porteuses de mémoire. » Et ici, les femmes travaillent, chacune à leur façon, à faire échec à de vieilles lois paternalistes.

Au-delà du drame, le film se démarque par plusieurs références à la vie des communautés autochtones, que ce soit dans les traditions, dans la culture ou dans le sentiment d’appartenance au territoire.

L’histoire est aussi traversée de plusieurs moments métaphoriques. Par exemple, une vue aérienne de lacs gelés avec plusieurs trous dans la glace renvoie à des impacts de balles.

La réalisatrice, par respect de la réalité, n’a pas hésité à tourner en trois langues, français, anglais et anishinaabemowin (algonquin). Loin d’être rébarbatif, ce choix ajoute au contraire de l’étoffe à l’ensemble.

Un ensemble auquel on croit. Beaucoup.

En salle

Bootlegger

Drame

Bootlegger

Caroline Monnet

Avec Devery Jacobs, Pascale Bussières, Samian et Joséphine Bacon

1 h 22

7/10