En 2013, la Cour suprême de la République dominicaine retire la citoyenneté à tout habitant du pays ayant des parents haïtiens, avec effet rétroactif jusqu’en 1929. Du jour au lendemain, quelque 200 000 personnes deviennent apatrides. Une jeune avocate, Rosa Iris, se met alors à lutter farouchement afin qu’ils retrouvent leurs droits.

Derrière Punta Cana, Puerto Plata et autres stations balnéaires de la République dominicaine, derrière les côtes, les plages, le soleil, les palmiers, se cache une réalité beaucoup moins festive, reposante et enivrante.

Car dans ce pays qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, le ressentiment envers les Haïtiens de souche est bien présent. Au fil des décennies, ce ressentiment envers l’autre s’est manifesté parfois de façon très violente, parfois de façon plus larvée.

Dernier tournant en date, la décision, en septembre 2013, de retirer la citoyenneté aux habitants d’origine haïtienne, en remontant jusqu’en 1929, a touché 200 000 personnes. Du jour au lendemain, celles-ci se sont retrouvées apatrides. Tolérées, mais plus vraiment citoyennes.

Dans un documentaire qu’elle a mis plusieurs années à réaliser et qu’elle a intelligemment divisé en trois angles, la réalisatrice Michèle Stephenson se penche sur cette situation et la décortique avec beaucoup d’acuité.

La cinéaste a en effet mis ses pas dans ceux de trois personnes vivant cette situation différemment. Personnage central, l’avocate Rosa Iris va à la rencontre des apatrides et tente de leur venir en aide. Personnage secondaire et cousin de Rosa Iris, Teofilo est une des victimes de la mesure et désespère de revoir ses enfants. Membre d’un groupe nationaliste qui diabolise les Dominicains d’ascendance haïtienne, Gladys milite pour une République dominicaine aux Dominicains.

Trois personnages, trois points de vue sur la situation. Et mieux encore, Michèle Stephenson donne la parole à une Gladys aux opinions tranchées sans pour autant la juger. Voilà qui est remarquable.

La cinéaste complète son œuvre avec des extraits de discours politiques (Rosa Iris décide de se présenter aux élections), des captations en caméra cachée éloquentes et quelques scènes fictives racontant l’histoire d’une enfant, Moraime, dont la mère a été tuée en raison de son appartenance haïtienne.

Sachant que l’actuel gouvernement dominicain veut construire un mur à la frontière pour freiner « l’immigration illégale, le trafic de drogue et la circulation de véhicules volés », selon une déclaration du président Luis Abinader, le conflit est loin de se résorber.

En salle, en version originale espagnole et créole haïtien avec sous-titres français au cinéma du Musée et avec sous-titres anglais au cinéma du Parc. Sur Cinéma en ligne dès le 3 septembre.

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IMAGE FOURNIE PAR L'ONF

Apatrides, de Michèle Stephenson

DOCUMENTAIRE
Apatrides
Michèle Stephenson
Avec Rosa Iris Diendomi Álvarez, Teofilo Murat et Gladys Feliz
1 h 36
★★★½