Qu’ont en commun Marion Cotillard, Renée Zellweger, Andra Day et Viola Davis ? En incarnant Édith Piaf, Judy Garland, Billie Holiday et Ma Rainey, toutes ces actrices, pour ne nommer qu’elles, ont transcendé des longs métrages qui, sans leurs éclatantes performances, se seraient révélés plutôt ordinaires.

Il faudra maintenant ajouter à cette constellation le nom de Jennifer Hudson. En se glissant dans la peau d’Aretha Franklin, celle qui fut lauréate d’un Oscar en 2007 grâce à sa performance dans Dreamgirls s’élève au-dessus de la forme classique et prévisible qu’emprunte la réalisatrice, Liesl Tommy, pour raconter les jeunes années de la regrettée Queen of Soul.

Respect fait partie de ce genre de films où la valeur du spectacle est directement liée à la performance de l’actrice ou de l’acteur qui tient le rôle principal. Sur ce plan, Jennifer Hudson est à la hauteur d’un rôle que peu de chanteuses et d’actrices auraient pu tenir avec autant de maîtrise. Sans aller jusqu’à l’imitation, la concurrente de la troisième saison d’American Idol (elle fut septième au classement à l’époque !) parvient à traduire vocalement – et intérieurement – la transformation d’une chanteuse qui, passant du gospel au jazz sans ne jamais vraiment rencontrer le public, a quand même mis un temps avant de trouver sa voix dans la soul.

Commençant en 1952, alors qu’à l’âge de 10 ans la fillette affiche déjà un talent exceptionnel et se distingue dans les soirées qu’organise son père évangéliste (Forest Whitaker), le récit s’attarde uniquement aux 20 années qui suivront. Le scénario, écrit par Tracey Scott Wilson (la série Fosse/Verdon), dessine ainsi une espèce de boucle qui, en 1972, se referme avec l’enregistrement d’Amazing Grace, un album enregistré en public, devenu son plus grand succès en carrière, malgré le scepticisme de sa maison de disques.

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Jennifer Hudson et Forest Whitaker dans Respect, un film de Liesl Tommy

Une peu trop lisse

Entre ces deux époques, celle où le répertoire de l’enfant est essentiellement constitué de chants gospels, et celle où la vedette effectue un genre de retour aux sources pour se refaire une santé artistique et mentale, Liesl Tommy arpente les arcanes du drame biographique traditionnel en survolant des épisodes qui auraient sans doute gagné à être mieux creusés. Père manipulateur et contrôlant, grossesses précoces, violence conjugale, dépendance à l’alcool, puis, arrive cette prise en main qui a progressivement imposé le Respect qu’elle a si vigoureusement réclamé dans sa célèbre version de la chanson d’Otis Redding.

L’ascension de la chanteuse s’étant effectuée au moment où la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Afro-Américains était en pleine ébullition, cet aspect plus social – une autre des multiples dimensions de l’artiste – se retrouve effleuré plutôt que vraiment abordé.

Jusqu’à la fin de sa vie, Aretha Franklin a été impliquée dans la production de ce film qui raconte une partie de sa vie. Jennifer Hudson fut même choisie par la diva elle-même il y a une quinzaine d’années, dès la sortie de Dreamgirls.

Cette proximité explique peut-être l’approche un peu trop lisse qu’a empruntée une réalisatrice qui, après avoir signé plusieurs mises en scène à Broadway, propose ici un premier long métrage.

Cela dit, Jennifer Hudson est assurément à la hauteur du mandat impossible que lui a confiée Aretha Franklin de son vivant. Tous les admirateurs de l’interprète de (You Make Me Feel Like) A Natural Woman en conviendront. Et applaudiront.

En salle en version originale et en version française.

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Respect, de Liesl Tommy

Drame biographique
Respect
Liesl Tommy
Avec Jennifer Hudson, Forest Whitaker, Marlon Wayans.
2 h 25
★★★½