Que voilà un film étonnant ! Mélangeant plusieurs genres, du western contemporain au brûlot politique, en passant par le thriller gore, Bacurau est la plus récente offrande de Kleber Mendonça Filho, l’un des chefs de file du cinéma brésilien, déjà remarqué grâce à ses deux premiers longs métrages, Les bruits de Recife et Aquarius

Pour porter à l’écran ce projet de film sur lequel il a travaillé pendant 10 ans, le cinéaste s’est adjoint les services du directeur artistique Juliano Dornelles à la réalisation. Ce dernier, fidèle collaborateur depuis le début, signe aussi le scénario de ce film dont l’histoire, campée dans un petit village du sertão brésilien, est née d’une envie d’aborder les disparités sociales en imaginant la vengeance d’une population habituellement méprisée envers ses oppresseurs.

L’action se situe dans le petit village isolé de Bacurau, situé dans une région aride du nord-est du Brésil. L’aïeule, âgée de 94 ans, vient de mourir. Dans cette fable dystopique légèrement futuriste, dont l’action se déroule « dans quelques années », la disparition de la matriarche entraîne quelques phénomènes un peu étranges, notamment la disparition totale du village sur les réseaux de géolocalisation et les cartes toponymiques.

Dans ce récit d’abord construit autour de la vie quotidienne d’habitants encore coincés avec des problèmes d’approvisionnement en eau, la tension s’accélère le jour où se pointe un politicien véreux cherchant à se faire réélire. Dès lors, les coréalisateurs instaurent une atmosphère de Far West, après que des coups de feu entendus au loin eurent fait cinq victimes. L’histoire emprunte aussi une tournure surréaliste et sinistre quand il appert que les deux assassins, venus de São Paulo, font partie d’une organisation chargée d’orchestrer une chasse des villageois au profit de touristes américains. Ah oui, le village est aussi survolé par des drones qui ont l’air de soucoupes volantes sorties d’un mauvais film de série B.

Étrange et déstabilisant

Truffé de références, notamment au cinéma de Sergio Leone, Sam Peckinpah et John Carpenter (la pièce Night, composée par le réalisateur d’Assault on Precinct 13, est d’ailleurs entendue), mâtiné d’une approche outrancière à la Tarantino, Bacurau est un film étrange, déstabilisant, extrêmement violent, duquel on ne peut pourtant pas décrocher, malgré toutes ses bizarreries.

Les réalisateurs ont visiblement voulu prendre à charge l’atmosphère délirante régnant au Brésil depuis quelques années (dont l’élection du président Jair Bolsonaro constitue le point culminant), mais leur film fait partie de ces œuvres inclassables où l’on tombe parfois dans la confusion à force de trop vouloir en dire.

Certains personnages forts, notamment celui qu’incarne Sônia Braga, toujours remarquable (elle est ici une médecin très portée sur l’alcool), auraient gagné à être plus développés.

Impressionnant sur le plan de la réalisation et de la cinématographie, parfois parsemé de touches d’humour très noir, ce film rageur illustre dans quel état d’esprit peuvent se trouver des citoyens exaspérés. Âmes sensibles, s’abstenir.

IMAGE FOURNIE PAR SBS DISTRIBUTION

L’affiche du film Bacurau

Lauréat du prix du jury au Festival de Cannes l’an dernier, Bacurau est présentement offert à la location, en version originale avec des sous-titres français (ou anglais), sur les sites du Cinéma du Parc et du Cinéma Moderne.

★★★½

Bacurau. Drame de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. Avec Bárbara Cohen, Sônia Braga, Udo Kier. 2 h 11

>> Consultez le site du Cinéma du Parc

>> Consultez le site du Cinéma Moderne