Disons-le d’entrée de jeu : Menteur n’a pratiquement rien à voir avec Liar Liar, l’un des films à succès de Jim Carrey, avec lequel certaines comparaisons ont été faites pour cause de similarité de thème et de titre.

Contrairement au film américain, qui constituait une sorte de one-man show de l’humoriste canadien, la nouvelle comédie d’Émile Gaudreault repose sur un ensemble de personnages forts. Ces derniers viennent encadrer un protagoniste qui, même s’il est de toutes les scènes, n’est pas toujours le centre d’attention.

Menteur est ainsi parsemé de quelques numéros formidables, livrés par des pointures au sommet de leur forme. Pour l’épauler dans l’écriture de son scénario, le cinéaste, précisons-le, a refait appel à Sébastien Ravary et Eric K. Boulianne, coscénaristes de De père en flic 2.

La toute première scène, plutôt inattendue, nous transporte en Chine. Là-bas, des moines bouddhistes discutent du dérèglement de l’ordre mondial provoqué par l’ère du mensonge en tous genres, dont le chantre, étonnamment, serait un Québécois occupant une importante fonction dans une avionnerie.

Menteur compulsif, ce fameux Simon Aubert (Louis-José Houde) pousse l’art du mensonge si loin qu’il fera l’objet d’une intervention de la part de sa famille et de ses amis, exaspérés par sa mythomanie.

De ce point de départ, Émile Gaudreault (Mambo Italiano, De père en flic) orchestre un feu d’artifice, notamment en faisant basculer le menteur compulsif dans une dimension alternative où tous ses mensonges — souvent forgés pour justifier des retards ou, simplement, se rendre intéressant — deviennent réalité. Dans cette dystopie, tous ceux que côtoie Simon empruntent les personnalités qu’il a décrites faussement, donnant ainsi lieu à des situations parfois très loufoques.

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Menteur

Le frère jumeau (interprété par… Antoine Bertrand !), parfait loser, devient dès lors malchanceux en toutes circonstances. La belle-sœur (Anne-Élisabeth Bossé) tombe follement amoureuse de lui. La patronne apparemment alcoolique (Geneviève Schmidt) se « lâche lousse » au moment même où se pointe une délégation russe en vue d’un important contrat. Les parents (Véronique Le Flaguais et Luc Senay) sont d’une violence verbale inouïe envers ce fils qu’ils ont toujours maltraité — du moins, si l’on se fie à ce que ce dernier a déjà raconté.

Catherine Chabot, une révélation

À cette distribution cinq étoiles, où tous ont la chance de briller (Anne-Élisabeth Bossé et Geneviève Schmidt, particulièrement, font de savoureux numéros), s’ajoute une nouvelle venue, véritable révélation de ce film ambitieux.

Dans le rôle d’une traductrice embauchée à l’occasion de l’arrivée en nos terres d’investisseurs venus de la patrie de Léon Tolstoï, Catherine Chabot, connue jusqu’ici comme autrice et comédienne au théâtre (Lignes de fuite), fait flèche de tout bois. L’exploit est d’autant plus remarquable que l’actrice, qui a un peu l’allure et la « pétillance » d’une jeune Debra Messing, parvient à s’imposer d’emblée entre les deux bêtes d’écran que sont Louis-José Houde et Antoine Bertrand. Ces derniers forment par ailleurs — personne n’en sera surpris — un tandem diablement efficace.

Le dénouement du récit paraîtra un peu prévisible et parfois pétri de bons sentiments. Cela dit, Menteur reste un divertissement de fort belle tenue, proposé par un cinéaste maîtrisant le sens de la comédie populaire, dans le sens le plus noble du terme.

★★★½ Menteur. Comédie d’Émile Gaudreault. Avec Louis-José Houde, Antoine Bertrand, Catherine Chabot. 1 h 51.

> Consultez l’horaire du film