La Française Tonie Marshall demeure la seule lauréate du César de la meilleure réalisation en 42 ans d'existence de ce prestigieux prix. C'était en 2000, pour Vénus beauté (institut). Les plafonds de verre, elle connaît. Aussi, son nouveau long métrage, Numéro une, s'intéresse à la difficulté pour une femme de faire sa place dans un monde toujours dominé par les hommes, en l'occurrence celui des affaires.

Emmanuelle Devos est excellente (comme toujours) dans le rôle d'une ingénieure ambitieuse, cadre supérieure d'une entreprise faisant affaire avec la Chine, qui est ciblée par un réseau de femmes influentes comme candidate potentielle afin de briguer la présidence d'une grande entreprise publique française.

Ce n'est pas gagné d'avance et il faudra jouer du coude. L'aspirante PDG se trouve plongée dans une guerre de pouvoir, où chaque camp joue de ses contacts, de ses influences et d'histoires enfouies pour nuire à son adversaire. On n'a pas de difficulté à croire que la réalité s'approche de la fiction.



Froid, mais engageant

Thriller politique finement mené, Numéro une met en vedette, outre Emmanuelle Devos, la Québécoise Suzanne Clément, très convaincante en militante féministe influente, Richard Berry, détestable en mandarin manipulateur et misogyne («Les nerfs, on les laisse aux femmes», dit-il), et Benjamin Biolay, crédible lui aussi en dandy aspirant à autre chose que «sous-fifre», ainsi que le qualifie son patron.

Tonie Marshall met en scène, sans détour, le paternalisme et la condescendance d'hommes de pouvoir qui tiennent à leurs privilèges. Ainsi que le doute qui assaille cette femme de tête, qui tente de faire sa place alors que sa vie personnelle n'est pas au beau fixe (son père est malade, son mari est lui-même à la croisée des chemins professionnels).

Le portrait social qu'elle brosse est froid, mais engageant. Il est rare qu'un tel sujet soit abordé de front au cinéma. Si Numéro une peut sembler didactique - un écueil inévitable du scénario à thèse -, le film ne manque pas pour autant de subtilité. Les clichés et les archétypes illustrés par Tonie Marshall font partie des arcanes de la politique et du monde des affaires, notamment en France, où règne toujours un vieux parfum machiste.

La cinéaste refuse avec raison que l'on qualifie son oeuvre de «film de femme», mais Numéro une est incontestablement un film féministe (cela dit sans aucune connotation péjorative). Ça tombe bien: il n'y en a pas trop.

Numéro une. Drame de Tonie Marshall. Avec Emmanuelle Devos, Suzanne Clément, Richard Berry et Sami Frey. 1h50.

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Photo fournie par Axia Films 

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