L'histoire: Dans un village du Québec, une mystérieuse épidémie transforme les gens en morts-vivants, et une poignée d'épargnés tentent de survivre.

De Night of the Living Dead du regretté George Romero à The Walking Dead, le zombie a toujours été un prétexte pour ce thème fondamental: la survivance. Et ce thème étant une obsession de la psyché québécoise depuis si longtemps, qu'est-ce que le personnage du zombie, généralement absent de la cinématographie nationale allergique au cinéma de genre et non consensuel, peut-il apporter? Rien, sinon la beauté de survivre.

C'est probablement cet angle qui explique l'accueil respectueux fait aux Affamés dans les festivals (meilleur film canadien au TIFF, prix du public au FNC section Temps Ø, sélectionné à Austin et à Stiges, et ce n'est sûrement pas fini).

Chez Robin Aubert, le zombie (d'ailleurs jamais nommé comme tel dans le film) ne révèle ni le pire ni le meilleur d'une société aux prises avec une épidémie effrayante. Il confirme plutôt une identité, et peut-être même le fait que cette société était déjà «zombifiée», puisque chacun des personnages semble avoir le regret de ne pas avoir véritablement vécu avant la catastrophe.

Nous arrivons dans l'histoire alors que l'épidémie semble récente, dans un village où quelques survivants devront s'unir pour repousser les hordes d'affamés, qui n'ont pas le look des morts-vivants en lambeaux, mais qui ressemblent plutôt à des êtres humains (tous joués par des proches du réalisateur).

Il y a Bonin (Marc-André Grondin), qui arpente les routes avec Vézina (Didier Lucien), et ces deux-là sont des experts en blagues tellement nulles et ratées que cet humour qui traverse en filigrane tout le film ajoute à l'absurdité de la situation. Bonin sera entouré de femmes qui savent manier la machette ou le fusil - sa mère Pauline (Micheline Lanctôt), Thérèse (Marie-Ginette Guay), Tania (Monia Chokri), et en particulier Céline (intense Brigitte Poupart), qui n'a d'autre obsession que de hacher du mort-vivant après avoir perdu toute sa famille, ce qu'elle compte faire jusqu'à la mort. Pas de scream queen chez Aubert, que des femmes redoutables qui savent se battre.

En entrevue, Aubert a évoqué comme influences Bresson et Tarkovski, reconnaissables dans un parti pris décalé sur le cinéma d'horreur, dans des scènes étranges qui jouent avec les codes du gore, tout en l'assumant totalement. Les affamés n'est pas un film qui tâte timidement le genre, mais qui en exploite toute les possibilités, et Aubert filme avec beaucoup d'amour son patelin - Ham-Nord - dont la beauté naturelle offre un contraste hallucinant avec la tragédie que vivent les êtres humains, revenus à leur statut fondamental: des proies. Ajoutons aussi que le travail sonore, dans ce film plutôt silencieux, est remarquable.

Contemplatif, poétique, humoristique, d'une beauté par moments à couper le souffle, avec quelques idées franchement étonnantes (ces amoncellements d'objets autour desquels les morts se regroupent on ne sait trop pourquoi), tout cela fait des Affamés non seulement le premier vrai bon film québécois de zombies, mais aussi une proposition qu'on peut inscrire fièrement et assez haut dans la liste mondiale de ce genre increvable - du moins tant et aussi longtemps que des cinéastes de la trempe d'Aubert sont capables de lui donner du sens, et ce pur plaisir du cinéma.

* * * *

Les affamés. Film d'horreur de Robin Aubert. Avec Marc-André Grondin, Brigitte Poupart, Monia Chokri, Micheline Lanctôt. 1h40.

> Consultez l'horaire du film

Photo fournie par Les Films Séville

Les affamés