Un croisement entre Le seigneur des Anneaux et 300. Telle est la première impression que laisse Beowulf, une superproduction dans laquelle la virtuosité technique prend vite le pas sur le contenu narratif. Peaufinant une technologie déjà utilisée dans son film précédent (Polar Express), Robert Zemeckis (Who Framed Roger Rabbit, Forrest Gump) propose ici un feu roulant d'action en exploitant toutes les possibilités de sa luxueuse quincaillerie virtuelle.

Il manque pourtant à ce Beowulf le souffle romanesque qui permettrait au film de dépasser le stade de la prouesse technique. Tout reste bien appliqué, un peu froid. Même si, grâce à cette technologie appelée «motion caption animation»*, les acteurs s'investissent pourtant eux-mêmes physiquement dans leurs rôles, ces derniers semblent quand même avoir du mal à incarner leurs personnages de l'intérieur. Il y manque la chair, il y manque le sang.

Zemeckis a toutefois mis le paquet pour moderniser ce conte anglo-saxon vieux de plus de 1000 ans. Il en fait d'ailleurs un spectacle dont la nature s'inscrit parfaitement dans l'esprit des superproductions hollywoodiennes. Le rythme est très soutenu, les effets visuels sont de tout premier ordre et l'«emballage» est aussi festif qu'un paquet cadeau. De leur côté, les scénaristes Neil Gaiman et Roger Avary ont évidemment adapté le conte légendaire de telle sorte qu'un lien puisse être établi entre ses parties distinctes. De la même manière que 300 n'avait strictement aucune emprise sur la réalité historique, le Beowulf de Zemeckis prend aussi beaucoup de libertés par rapport à l'oeuvre originale. À tout le moins celle qui fut réhabilitée dans le monde moderne par J.R.R. Tolkien dans un essai que ce dernier a publié dans les années 30. Que les puristes se le tiennent pour dit.

Le combat du grand guerrier danois pour sauver le royaume de l'emprise d'une créature monstrueuse emprunte ainsi les allures d'une allégorie sur le pouvoir. Sous toutes ses formes. La lutte épique mettant aux prises le beau Beowulf et le hideux Grendel atteindra d'ailleurs une autre dimension, beaucoup plus trouble, quand la mère de la créature monstrueuse cherchera vengeance. Cette dernière peut en effet se transformer aussi bien en femme fatale qu'en créature reptilienne. À cet égard, les concepteurs n'ont pas lésiné sur les évocations à caractère charnel. La présence d'Angelina Jolie se révèle en outre assez spectaculaire. Il est d'ailleurs notoire de constater qu'à part le héros, interprété par le Britannique Ray Winstone, à peu près tous les acteurs sont physiquement identifiables.

Les effets en trois dimensions (offerts dans quelques salles seulement au Québec) constituent par ailleurs une valeur ajoutée. Indéniablement. Zemeckis a profité de cette technologie pour en mettre plein la vue, et plonger le spectateur dans un environnement dont le réalisme étonne. Dommage qu'il n'en soit pas de même pour les personnages.

• L'image d'animation est générée par les mouvements des comédiens grâce à des capteurs.

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BEOWULF (V.F.: La légende de Beowulf)

Conte fantastique réalisé par Robert Zemeckis.
Avec Ray Winstone, Anthony Hopkins, John Mal-kovich, Angelina Jolie.