Le deuxième film québécois de la compétition, intitulé En plein coeur, fait partie des ces oeuvres personnelles, nées dans l'urgence de dire et de faire.

Avec les fulgurances et les écueils qu'une telle démarche, forcément, entraîne. Foncièrement sincère, ce premier long métrage de Stéphane Géhami se distingue par cette volonté de traquer la vérité pour mieux faire écho aux tempêtes intérieures que traversent les protagonistes.

Lors de la conférence de presse tenue hier à l'Agora du Complexe Desjardins, l'auteur-cinéaste, qui a coécrit son scénario avec Héloïse Masse, expliquait que le thème de l'obsession amoureuse, omniprésent au départ dans le récit, avait bifurqué vers autre chose au fil de l'écriture. Et c'est justement dans cette déviation de trajectoire que réside principalement l'intérêt de ce film.

Benoît (Rivard), jeune trentenaire «voleur de chars», continuellement en mode séduction, est un amoureux compulsif. Il remet sans cesse sa situation en jeu, quitte à perdre l'amour de celle qu'il aime, Anne-Marie (Bénédicte Décary), pour essayer d'en conquérir une autre, Sylvie (Julie Deslauriers). Pour ensuite mieux tenter d'oublier l'une dans les bras de l'autre. Et vice-versa.

Géhami orchestre cette valse du coeur et des corps en allant jusqu'au bout de cette ambivalence chronique, imposant même pour ce faire un rythme parfois plus déglingué. Il s'attarde aussi à décrire le lien qui se noue subrepticement entre Benoît et Jimi (Keven Noël, repéré à la suite d'un casting sauvage), un ado âgé de 14 ans, jeune complice dans ces vols de voiture organisés en réseau.

«C'est ce qui m'a surpris au moment de l'écriture, disait hier Géhami. Jimi n'était qu'un personnage secondaire au départ, mais plus j'écrivais, plus il devenait présent. Le thème de l'obsession amoureuse a progressivement fait place à l'exploration d'un lien père-fils. Benoît trouve l'amour à un endroit où il n'aurait jamais pensé chercher.»

Tout n'est pas d'égale valeur dans cet essai (question de rythme, de niveau de jeu aussi) mais il reste quand même un élan, de même qu'une façon d'exprimer la quête amoureuse - l'amour au sens large - qui émeut. À cet égard, Pierre Rivard, vu notamment chez Falardeau (Octobre, 15 février 1839), offre ici une très belle composition, le genre de performance brute qui entraîne à sa suite l'âme d'un film. Quant au style, Géhami évoquait hier un montage instinctif, auquel lui et son monteur (Claude Palardy) sont d'ailleurs revenus après avoir tenté quelques autres versions plus «mesurées».

«Quand je voyais Claude faire le montage, j'avais l'impression de voir un trompettiste «blower» un solo en free jazz! a lancé le réalisateur. J'ai fait exactement le film que j'avais envie de faire, en totale liberté.»

Rappelons qu'En plein coeur fut autofinancé. Les institutions de financement du cinéma se faisant trop attendre, l'auteur cinéaste a décidé de vendre son condo et d'investir la somme dans son film. Géhami est par ailleurs ravi de faire partie de la compétition du FFM. «Je n'aurais probablement pas pu obtenir une telle attention médiatique autrement. C'est la plus belle vitrine que je peux avoir à Montréal. C'est le Top!»

Pas de vagues

Les deux autres films présentés en compétition hier n'ont pas fait beaucoup de vagues. Proshai Gulsary (Farewell Gulsary) offre de bien beaux plans des steppes kazakhes, mais cette évocation de «l'effritement matériel et psychologique amené par la collectivisation stalinienne de l'agriculture» se révèle bancale. Tiré de «l'un des plus grands succès populaires de la littérature soviétique», ce film sombre parfois même involontairement dans quelques excès. Une scène en flashback, conçue pour illustrer l'amitié qui liait jadis le protagoniste avec un membre influent du parti, nous a même fait penser un moment au OSS 117 de Dujardin

L'autre entrée venait du Mexique. Mais ne cherchez pas dans El Viaje de Teo l'originalité ou le souffle qui caractérise les films de la nouvelle vague mexicaine. Le réalisateur Walter Doehner propose ici une histoire d'enfance brisée, en appuyant sur des effets dramatiques classiques. Le dernier acte, particulièrement, emprunte le style d'un téléroman. Cela dit, ce film a le mérite d'aborder une question sensible: l'immigration illégale à l'aide de passeurs véreux.

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En plein coeur de Stéphane Géhami. Aujourd'hui à 14h au Cinéma Impérial. En salle le 5 septembre.

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Proshai Gulsary (Farewell Gulsary) d'Ardak Amirkulov. Aujourd'hui à 19h au; Samedi 30 août 14h au Cinéma Impérial.

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El Viaje de Teo de Walter Doehner. Demain à 19h au Théâtre Maisonneuve; Lundi 11h30 au Cinéma Impérial.