« Il meurt à la fin. » Il n’y a pas de manière plus classique de vendre le punch d’un film. Le magazine Slate vient de publier sa liste des 50 morts les plus mémorables dans des œuvres de fiction. Elle ne se limite pas au cinéma : les enfants de Médée, Hamlet, Macbeth et le Petit Prince de Saint-Exupéry comptent parmi les illustres victimes.

La liste, bien sûr, ne s’encombre pas d’alertes au divulgâchage. Aussi, si vous ne voulez pas savoir si Fantine survit dans Les misérables, je ne vous conseille pas de poursuivre votre lecture. J’ai pensé, en parcourant la liste, à Il Sorpasso, mettant en vedette Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant, que j’ai vu récemment. Le film de Dino Risi n’aurait pas du tout la même tonalité sans la mort tragique du personnage de Trintignant à la fin.

Il Sorpasso ne fait pas partie de la liste de Slate, essentiellement américanocentriste pour ce qui est du cinéma.

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Il y est question évidemment du meurtre de Marion Crane (Janet Leigh) dans Psycho de Hitchcock. La musique lancinante de Bernard Herrmann, l’ombre de Norman Bates à travers le rideau de douche, l’eau qui se transforme en sang. Et cette disparition soudaine et inattendue à mi-chemin du récit.

La mort dans un bain de sang de Bonnie et Clyde dans le film d’Arthur Penn et celle de Thelma et Louise dans le film de Ridley Scott, main dans la main dans une Thunderbird, s’élançant dans le vide du haut du Grand Canyon, ont aussi été retenues par Slate. Tout comme celle de Radio Raheem, étranglé à mort par des policiers dans Do the Right Thing, chef-d’œuvre de Spike Lee.

On trouve en marge du texte principal une liste annexe, consacrée à cinq scènes de mort mémorables dans trois films de gangsters. Le meurtre de Sonny Corleone (le regretté James Caan), criblé de balles au péage d’une autoroute dans The Godfather de Coppola. Ceux, dans le même film, de Virgil Sollozzo et du capitaine McCluskey, tués à bout portant par Michael Corleone dans un restaurant.

Sans oublier la scène de Fredo (John Cazale, qui n’a joué que dans de grands films) dans The Godfather Part II, qui paie le prix de la trahison de son frère Michael pendant une partie de pêche, après son fameux baiser de la mort. Tommy DeVito (Joe Pesci) se vide de son sang sur un tapis dans Goodfellas de Scorsese, le jour même où il doit être fait membre officiel de la Cosa Nostra, en représailles de son meurtre de Billy Batts, aussi dans le palmarès.

IMAGE TIRÉE DU FILM LES INVASIONS BARBARES, ARCHIVES LA PRESSE

Rémy Girard et Pierre Curzi dans Les invasions barbares

Quelles morts mémorables ont marqué le cinéma québécois ? Spontanément, m’est venue à l’esprit celle de Rita Toulouse (Anne Létourneau) dans l’explosion de l’avion du Crime d’Ovide Plouffe de Denys Arcand, inspirée d’un fait divers. Et celle de Rémy Girard, renversant de justesse, qui succombe à un cancer après avoir accueilli ses proches au chalet dans Les invasions barbares d’Arcand.

J’ai pensé au pacte de suicide des deux ermites (Rémy Girard et Gilbert Sicotte) d’Il pleuvait des oiseaux de Louise Archambault et à celui des adolescentes (Pascale Bussières et Marcia Pilote) de Sonatine de Micheline Lanctôt, qui s’endorment à jamais dans le métro de Montréal. J’ai pensé à la série de suicides de garçons de 17 ans au début du poignant Tout est parfait d’Yves-Christian Fournier.

Dans Les dernières fiançailles de Jean Pierre Lefebvre, Armand et Rose, en couple depuis 50 ans, décident de mourir en même temps après le malaise cardiaque d’Armand. « Je le sais qu’il faut mourir un jour, lui dit Rose. Mais c’est pas juste qu’il y en ait un de nous deux qui parte avant l’autre. »

L’une des morts les plus bouleversantes du cinéma québécois est celle de Boyer (Julien Poulin), dans Le party de Pierre Falardeau. Envoyé au trou alors que sa blonde (Lou Babin) est invitée à chanter sur scène au pénitencier, il s’enfonce une lame dans le poignet pendant qu’elle chante Le cœur est un oiseau de Desjardins.

Un personnage incarné par Julien Poulin meurt sur scène dans un registre autrement plus burlesque, pour cause d’asphyxie dans un jumpsuit trop serré, dans Elvis Gratton de Poulin et Falardeau. « On dirait qu’y est encore en vie, dans son beau costume », dit sa femme, Linda, devant son cercueil au salon funéraire.

La mort par pendaison de Chevalier de Lorimier (Luc Picard) dans 15 février 1839 du même Falardeau, après les adieux déchirants faits à son amoureuse (Sylvie Drapeau), se retrouve dans mon palmarès. Et à la suggestion d’un ami, celle comique du personnage de collecteur de dettes interprété par Picard, qui meurt inopinément en motoneige dans Les mauvaises herbes de Louis Bélanger (dont l’excellent Post Mortem s’articulait tout entier autour de la mort).

Il y a, aussi en motoneige, celle frappante du personnage incarné par Claude Blanchard dans Gina de Denys Arcand. Happé par une souffleuse à neige alors qu’il est poursuivi dans un muscle car par une stripteaseuse (Céline Lomez) voulant se venger de ses violeurs. Il y a celle de Monica la Mitraille (Céline Bonnier), tuée à bout portant dans sa voiture par un policier, au terme d’une poursuite, pendant que son complice (Roy Dupuis) prend la fuite.

Le cinéma québécois a aussi ses morts classiques. Celle d’Albert (Roger Lebel) dans Un zoo la nuit de Jean-Claude Lauzon, après que son fils l’a invité à la chasse à l’éléphant au zoo de Granby. Celle de l’adolescent de 15 ans dont Benoît va chercher le cercueil avec son oncle Antoine dans le plus célèbre film de Claude Jutra. Celle du personnage de Guy (Germain Houde), poussé au suicide par Manon dans Les bons débarras de Francis Mankiewicz.

Dans mon souvenir, il n’y a pas de mort plus crève-cœur dans notre cinéma que celle, accidentelle, de Cléo dans La guerre des tuques, qui a tant marqué mon enfance.

Appel à tous

Selon vous, quelle est la mort la plus mémorable dans une œuvre de fiction ?

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