Geneviève Schmidt a animé sur le 220 volts, et les lauréats ont livré des discours sentis, mais le 22e Gala Québec Cinéma a eu la lourde tâche d’intéresser un public qui n’a pas vu plusieurs des films. Pour une bonne raison : certains ont à peine pris l’affiche…

Le monologue d’ouverture

« C’est sûr que je suis un peu nerveuse et fébrile », a dit d’entrée de jeu l’animatrice Geneviève Schmidt, qui a joué à fond le jeu de cette vraie-fausse nervosité, ricaneuse et très (trop ? ) expressive, après un sketch d’ouverture où elle doutait pendant son jogging de l’à-propos de sa présence au Gala Québec Cinéma. Sur scène, elle était comme on dit branchée sur le 220 (volts), donnant à ce début de soirée un élan vivifiant. Le contraire de « la sobriété et la retenue » qu’elle a promises avec ironie. « Sur 12 mois, les cinémas ont été fermés trois ans ! », a-t-elle d’ailleurs ironisé, en parlant de cette année difficile pour le cinéma québécois et tous ces films – à l’instar de Souterrain, qui vient de prendre l’affiche –, dont les sorties ont été maintes fois repoussées. Son ton était tour à tour bon enfant (jamais grinçant) et exalté, quitte à être too much. Mieux que d’être ennuyeuse !

Caroline Néron, émue et émouvante

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Caroline Néron

Elle était particulièrement émue et émouvante, Caroline Néron, en allant cueillir son prix (absolument mérité) de la meilleure interprétation féminine dans un rôle de soutien. « Tu vois : on peut tomber, se relever et réaliser de grandes choses », a-t-elle dit à sa fille, qui l’accompagnait. « La vie est faite d’épreuves », a-t-elle aussi déclaré, en faisant référence à ses déboires financiers de femme d’affaires, tout en soulignant le « timing » de ce rôle de mère « rock and roll » dans La déesse des mouches à feu et de ce prix, qu’elle a accepté comme un baume. « Tu m’as ramenée sur mon X », a-t-elle dit, émue, à la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette, à qui elle a lancé des fleurs bien méritées. « J’ai juste le goût de crier comme toi, Kelly ! », a-t-elle lancé à Kelly Depeault qui, avec ses airs de Natalie Portman habillée en jeune Madonna, a poussé un cri victorieux en remportant le prix de la révélation de l’année.

Le cri du cœur de Félix Rose

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Félix Rose

Les Rose de Félix Rose, qui n’était pas en lice au départ – les documentaires étant exclus de la catégorie –, a finalement remporté le Prix du public. « Merci au public pour cette vague d’amour qui a transporté Les Rose jusqu’au gala, a déclaré le documentariste. C’est la plus belle des reconnaissances. Vous venez d’envoyer un message fort à l’industrie. Le genre documentaire, fondateur de notre cinéma, est populaire. Donnons-lui davantage de visibilité, et ce, dans toutes les régions du Québec. » Rose s’est dit particulièrement ému par l’intérêt porté à son film par les jeunes et a regretté que les cinéastes n’aient pas davantage les moyens de raconter notre histoire. « Aidez-nous à mieux creuser notre passé pour éclairer notre présent », a-t-il ajouté. Il a livré ses remerciements à sa famille – notamment son père, qui lui a transmis le goût du pays – pendant que la musique sur scène se faisait de plus en plus pressante, et a dédié son prix à ses grands-mères et à sa fille, « pour la suite du monde ».

Le discours féministe d’Anaïs Barbeau-Lavalette

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Anaïs Barbeau-Lavalette

Toujours aussi éloquente, la lauréate du prix de la meilleure réalisation, Anaïs Barbeau-Lavalette, a livré le discours le plus féministe d’une soirée qui a célébré bien des femmes. On pouvait compter sur elle pour utiliser à bon escient une tribune à la télévision publique. « Nos voix ont pris du temps à émerger, mais elles ont toujours été là, a-t-elle dit, en s’adressant aux femmes et aux filles. Enfin, elles arrivent. On fait des films qui nous ressemblent. On fait des films à notre façon. On a notre façon de diriger des acteurs, on a notre façon de mettre en scène. C’est déstabilisant pour ceux qui nous entourent parce qu’on vient d’arriver. Ne nous transformons pas, et je me parle autant qu’à vous toutes. Le cadre s’adaptera à nous et non l’inverse, et le monde en sera juste plus beau et plus vaste. » En effet.

Une année particulière

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Sébastien Ricard

« Mes enfants ont préféré regarder le match plutôt que leur père, et pour cela, je ne les salue pas ! », a dit Sébastien Ricard, sourire en coin, en recevant le prix du meilleur acteur pour Le club Vinland, de Benoit Pilon. Ses enfants n’étaient sans doute pas les seuls à regarder le hockey plutôt qu’un gala célébrant des films qui ont été peu vus au cinéma. À commencer par Le club Vinland, qui reprendra bientôt l’affiche après l’avoir été très brièvement, en raison des règles sanitaires. Nadia, Butterfly, de Pascal Plante, sélectionné à Cannes l’an dernier, a subi le même sort, alors que Souterrain, magnifique film, subtil et émouvant, de Sophie Dupuis (prix du scénario et prix du meilleur interprète dans un rôle de soutien à Théodore Pellerin, dimanche soir), n’a pris l’affiche que vendredi. Difficile, dans les circonstances, de susciter de l’intérêt pour le Gala Québec Cinéma. Espérons mieux pour l’an prochain !