Dix ans après LOL, Lisa Azuelos nous revient avec Mon bébé : un récit fictif mais visiblement senti, qui raconte en fait un peu (beaucoup) sa vie. Sa famille (soudée). Ses enfants (adorés). Et surtout le départ (affolant) de sa petite dernière, son « bébé », du nid, pour… le Canada. Nous l’avons rencontrée avec sa fille, qui joue en plus son propre rôle à l’écran, et qui habite à Montréal aujourd’hui. Vous suivez toujours ? Compte rendu d’une relation à la fois moderne et fusionnelle (et bien sûr professionnelle), en quatre temps.

Le scénario

Récapitulons, donc : après LOL (avec Sophie Marceau), Lisa Azuelos revient ici sur la question des relations mère-fille, mais cette fois adultes (ou presque). Sa fille (Thaïs Alessandrin, sa fille dans la vie et héroïne dans le film, donc) a 17 ans, et décide de poursuivre ses études au Canada (dans la vie comme dans le film, vous l’aurez compris). La mère, séparée et célibataire (attachante et hilarante Sandrine Kiberlain, qui a gagné un prix d’interprétation féminine pour son rôle au Festival de l’Alpe d’Huez), laquelle a élevé seule ses enfants, est évidemment affolée par l’idée. Le mot est faible. C’est que leur relation est soudée, fusionnelle. Depuis toujours. Le cordon n’est pas facile à couper. Pour ne rien perdre de ses souvenirs, elle décide donc de filmer leur quotidien (« je filme la famille », dira-t-elle, ou encore « je filme le bordel, pour m’aider à ne pas m’ennuyer de toi ! »). Vous devinez le ton : drôle, moderne et décomplexé, à l’image de leur relation.

La vraie vie

Tout cela est donc vrai ? « Complètement », confirme d’emblée Thaïs Alessandrin, rencontrée la semaine dernière en pleine fin de session à l’Université McGill (où elle étudie entre autres la philosophie). Les réponses envoyées par texto par la mère à sa fille en plein examen, l’excès de vitesse pour ne pas arriver en retard auxdits examens (et le prétexte des menstruations débordantes, lancé au nez du policier) ? « Tout est arrivé, confirme Lisa Azuelos. Il y a très peu de choses fictives. » L’histoire de cette mère à la fois moderne, effrontée et dévouée, qui aime ses « petits moineaux » visiblement à la folie, c’est donc la sienne. « Dans tous mes films, c’est ma vie. Ce n’est pas nouveau. » Ce qui l’est, ici, c’est le sujet : le départ des enfants devenus grands, une réalité qui nous guette tous comme parents. « Beaucoup de parents sont confrontés à la même chose. Les enfants s’en vont, laissent leur chambre vide, mais c’est peu traité au cinéma », note la réalisatrice.

Une question de génération

D’après Lisa Azuelos, sa relation avec ses enfants est assez typique d’une génération. « On est davantage dans un rapport d’amis, une relation d’amitié, dans le bon sens du terme. » « On parle énormément, rajoute la principale intéressée, complice. Il y a peu de personnes avec qui j’ai moins de tabous. On partage un peu tout, sans filtre. » Le fait que sa mère l’ait en prime élevée seule y est certainement pour beaucoup. Et la mère ne s’en cache pas. « Quand il y a un couple à nourrir, l’énergie est différente, concède Lisa  Azuelos. C’est vrai que les enfants remplissent un espace qui pourrait être rempli par un conjoint. C’est confortable de mettre toute la partie affective dans ses enfants… Ce n’est pas forcément souhaitable, mais bon… c’est ça ! »

PHOTO TIRÉE DU FILM 

Héloïse (Sandrine Kiberlain) entourée de ses trois grands enfants, ses « petits moineaux » (Victor Belmondo, Thaïs Alessandrin et Camille Claris)

La séparation

« Tout ce qu’on avait à vivre, on l’a vécu, et le film rend hommage à ce qu’on a vécu », poursuit la réalisatrice, pour qui l’histoire d’amour avec ses enfants est la plus grande histoire d’amour qui soit. « En tout cas, je n’ai pas eu l’occasion de vivre de plus grand amour pour l’instant… » Une nuance qui en dit long. Car si sa fille part voler de ses propres ailes à la fin du film, on sent que pour la mère, ce n’est pas tout à fait la fin. Mais plutôt le début de quelque chose. « Oui, elle aussi, elle va voler de ses propres ailes », confirme Lisa Azuelos. Cela dit, pour sa fille, la morale du film n’est pas là. Mais plutôt dans le style d’éducation qu’elle a reçu et qu’elle recommande aussi à tous : « N’ayez jamais peur de devenir l’ami de vos enfants. Ou de trop les aimer. Plus tu fondes la relation sur l’amour et la communication, moins il y aura de gap avec les enfants, dit-elle. C’est une manière de les protéger ! Pour moi, c’est ça la morale. C’est une bonne chose d’être ami avec ses enfants, ça peut juste amener du positif. » Sa mère, on s’en doute, abonde. « Dans le fond, si on est amis avec nos enfants, ils sont amis avec eux-mêmes… » À méditer…

Mon bébé, un film de Lisa Azuelos, a remporté le Grand Prix du 22e Festival de l’Alpe d’Huez 2019. Le film prend l’affiche au Québec vendredi.