Combien d'automobilistes le savent? En achetant un véhicule d'occasion, on risque d'hériter des dettes de son ancien propriétaire. On peut alors voir sa voiture saisie par le créancier du propriétaire précédent ou même être tenu de rembourser la dette de ce dernier pour conserver son bien. Un cauchemar que l'on peut facilement éviter.

Huissier de justice dans la région métropolitaine de Montréal, Jean-Félix Bouchard a plus d'une fois frappé à la porte du propriétaire d'un véhicule récemment acheté pour saisir son bien. Chaque fois, pour ces personnes, c'est «la surprise de leur vie», dit M. Bouchard. Et pour cause. Elles ont acquis leur bien en toute légalité, l'ont immatriculé et circulent avec depuis plusieurs mois. Quand on leur met sous le nez l'avis de saisie, c'est presque la syncope. Leur erreur: ils ont omis de vérifier le passé financier de leur véhicule, c'est-à-dire si le propriétaire précédent avait des dettes.

 

Cette mésaventure peut survenir lors de tout achat de bien mobilier. Et cet héritage frauduleux peut être légué par un particulier comme par un marchand «véreux» qui bafoue les principes de l'Association des marchands de véhicules d'occasion du Québec (AMVOQ).

 

Comment une telle situation est-elle possible? «Le créancier titulaire du droit, propriétaire dans les faits, a un droit de regard et de recours contre ce bien, peu importe le titre de propriété, jusqu'à paiement des sommes dues», explique l'huissier Jean-Félix Bouchard. Il est de la responsabilité du nouvel acheteur de faire les vérifications d'usage au moment de la transaction s'il ne veut pas avoir de mauvaise surprise. «Nul n'est censé ignorer la loi», rappelle simplement M. Bouchard.

 

Il faut savoir que tout créancier doit normalement «inscrire son droit» au Registre des droits personnels et réels mobiliers. La dette est alors du domaine public. Cette inscription est systématique, les créanciers ayant évidemment tout intérêt à le faire. C'est là la seule possibilité d'éviter la saisie: si le créancier ne publie pas la dette, il ne peut saisir le véhicule. Dans le cas contraire, le propriétaire lésé n'a pour seul recours que de poursuivre la personne qui l'a fraudée. Une démarche pratiquement vaine puisque, la plupart du temps, un véhicule d'occasion ne vaut pas les délais de procédure et les frais d'avocat qu'elle entraîne. «Et encore faut-il que le jugement soit exécuté, que le fraudeur soit solvable», fait remarquer Me Charles Dorion, responsable des communications à la Direction des registres et de la certification du ministère de la Justice du Québec.

 

Vérifier

 

Pour ne pas hériter de telles dettes et ne pas faire face à une saisie, la seule chose à faire est de consulter le Registre des droits personnels et réels mobiliers, un service au coût de 3$ ou 8$ selon la recherche. Pour vérifier que le vendeur n'a pas de sérieuses dettes, il suffit d'avoir ses nom, prénom et date de naissance ainsi que le numéro de série du véhicule. Il faut vérifier à partir de ses nom et date de naissance, d'une part, et du numéro du véhicule, d'autre part. Car sa dette peut être publiée sous une forme ou une autre. Si le vendeur rechigne à donner ces renseignements, ce n'est pas bon signe...

 

«Ces vérifications devraient être une obligation», insiste Jean-Félix Bouchard. Cela épargnerait les potentielles victimes de tout désagrément et permettrait de réduire considérablement ce genre de fraude. Au Canada, seule l'Ontario impose ces vérifications. Au ministère de la Justice, Me Dorion reconnaît que ce serait «une avenue intéressante», mais il n'y a pas de mouvement en ce sens.

 

Nul ne sait combien de personnes sont victimes chaque année de saisies héritées d'un vendeur sans scrupule. Jean-Félix Bouchard observe que «c'est de moins en moins courant car les gens sont de plus en plus informés». Ils le seront d'autant plus que le ministère de la Justice vient de lancer une campagne de sensibilisation.