Le dramaturge Larry Tremblay a choisi d’appliquer sa prose métaphorique à la vieillesse et à ses vicissitudes dans la pièce Coup de vieux, dirigée par Claude Poissant. Or, cette proposition riche en promesses ne nous convainc qu’à moitié.

« Banalité et vérité vont ensemble, c’est connu. » En lançant cette phrase aux allures anodines, le personnage de Lucie (interprété par Sylvie Drapeau) donne la clé de ce spectacle déconcertant qui place les projecteurs sur l’hiver de la vie.

Cinq personnages échangent sur un plateau dénudé occupé par un piano, son banc et un drapé rouge qui descend du ciel. De ces cinq protagonistes, on saura peu de choses, si ce n’est leur prénom. Le décor, lui, ne révèle aucun indice. Nous sommes dehors ou dedans ? Quel est le temps ou la saison ? Impossible à dire.

L’accent est mis ici sur les mots, ceux qu’on échange quand le temps passe trop tranquillement : des lieux communs et des propos insignifiants qui laissent parfois poindre le désarroi, la solitude, les confidences. Et ce sentiment pugnace d’être devenu obsolète dans un monde qui va trop vite.

C’est du moins ce que ressentent Lucie, Pierre (Jacques Girard, lumineux), William (Jacques Leblanc, exquis), Adèle (Marie Gignac) et Géraldine (Linda Sorgini). Ces cinq personnages au crépuscule de leur existence partagent pendant 80 minutes des répliques reliées par un fil parfois ténu.

Ces cinq-là se parlent sans toujours s’écouter. Leurs conversations s’enroulent sur elles-mêmes, se brisent et se raccommodent sans cesse. Les sujets abordés sont multiples – crise climatique, racisme ou encore identité de genre –, mais ils ne sont guère approfondis. Tout reste en surface. Les clichés abondent, notamment sur cette « jeunesse trop sensible » ou ne voulant pas travailler. « C’était mieux avant », ira même jusqu’à dire Lucie…

Bien sûr, Larry Tremblay n’est jamais à prendre au premier degré ; les phrases qui semblent ici éculées au possible cachent une part d’ombre. William, un veuf dont la détresse n’est pas considérée, ne parle que de se suicider. Pierre multiplie les efforts pour garder un semblant de contrôle sur son cerveau. Géraldine pleure la disparition des paysages, devenus selon elle de plus en plus étroits. Et Adèle se désespère de ses petits-enfants, qui l’accusent de tous les maux.

Seulement, ces précieux moments de réflexion sont si courts et cachés sous une si épaisse couche de banalités qu’ils ne touchent pas la cible.

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LE TRIDENT

Thomas Boudreault-Côté interprète un clown à la présence inquiétante.

Heureusement, la mise en scène inventive de Claude Poissant vient un peu sauver la mise. Telle la grande faucheuse attendant son heure, un clown inquiétant vient parfois hanter le décor. Clovis le clown (Thomas Boudreault-Côté, d’une présence glaçante) accueille le public dès l’entrée en salle avec des numéros qu’il accomplit sans grande conviction. De toute évidence, il n’est pas là pour (faire) rire… Une belle idée.

Impossible de passer sous silence la virtuosité de ce quintette d’interprètes, qui ont dû se mettre en bouche un texte par moments fort décousu. Ils sont la part lumineuse de ce spectacle et sont tous excellents pour transmettre des parcelles de leur humanité (faute de pouvoir l’exprimer en entier).

On aurait voulu mieux connaître leur histoire et sonder le fond de leur pensée. Ils auraient sans doute eu des choses intéressantes à dire sur le monde qui est aujourd’hui le nôtre. Il faudra repasser pour savoir ce qui hante véritablement l’esprit de ceux et celles qui attendent la tombée du rideau.

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Coup de vieux

Coup de vieux

Texte de Larry Tremblay, mise en scène de Claude Poissant. Avec Marie Gignac, Sylvie Drapeau, Linda Sorgini, Jacques Girard et Jacques Leblanc.

Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Jusqu’au 13 avril

6/10