Fervent admirateur de la pensée de Georges Bataille, Alexis Martin rêve depuis longtemps de créer une pièce autour des écrits du philosophe. Voilà qui est fait, avec la création d’Une conjuration, du Nouveau Théâtre Expérimental, sous la direction de Daniel Brière.

« Les êtres ne se réduisent pas à leur utilité. » Tel est le cri lancé par Georges Bataille à l’aube du XXsiècle. Un appel relancé au théâtre ces jours-ci, dans Une conjuration, à l’affiche d’Espace Libre.

Le spectacle réunit l’écrivain français et le peintre André Masson. On les trouve dans l’atelier de ce dernier, autour d’un repas (vin rouge et andouillettes qu’on cuit en direct). Le temps de rédiger La conjuration sacrée, publié en juin 1936 dans la revue Acéphale ; un manifeste qui se veut une « déclaration de guerre » contre un monde voué au travail et au rendement à tout prix.

D’entrée de jeu, le public est invité à s’installer dans l’atelier du peintre, scénographié par David Gaucher.

Toute la salle de la rue Fullum a été transformée pour représenter l’atelier de Masson, tandis qu’on projette, à travers les riches éclairages de Lucie Bazzo, quelques-unes de ses toiles. Comme si l’artiste était en train de les créer devant nous.

Le rôle de Bataille est joué par Martin, celui de Masson, par Maxim Gaudette. Catherine De Léan complète la distribution en défendant un personnage secondaire contemporain et un autre de l’Antiquité. Dans un surprenant intermède mythologique, la comédienne se transforme en Ariane. Elle déroule son fil rouge au prince Thésée, avant qu’il emprunte le dédale pour aller tuer le Minotaure !

PHOTO MARLÈNE G.-PAYETTE, FOURNIE PAR LE NOUVEAU THÉÂTRE EXPÉRIMENTAL

Maxim Gaudette et Catherine De Léan dans Une conjuration

Lire avant de voir…

Outre la fascination de la mort, il est aussi question d’aliénation du capitalisme, de l’art pour l’art, du culte de la performance, de la montée du fascisme dans l’Europe des années 1930, qui fait écho au retour de l’extrême droite, etc.

Bref, ce ne sont pas les thèmes qui manquent à l’esprit brillant et fertile de Martin. Sa pièce est d’ailleurs publiée aux Éditions Somme Toute. On vous recommande chaudement de la lire avant de voir le spectacle. Car la proposition est déroutante et, par moments, difficile à suivre.

PHOTO MARLÈNE G.-PAYETTE, FOURNIE PAR LE NOUVEAU THÉÂTRE EXPÉRIMENTAL

Une conjuration est présentée à Espace Libre jusqu’au 10 novembre.

Si l’œuvre de Bataille est un antidote « au bavardage du monde qui nous détourne de ce qui vaut la peine d’être contemplé », paradoxalement, Une conjuration est une pièce bavarde. Pour un auteur qui voue un culte à Beckett, il manque au spectacle des pauses de silence pour nous laisser le temps d’absorber ce texte touffu.

Le texte manque aussi de clarté. On est devant une riche matière théâtrale, mais sans clé pour y accéder. On a l’impression qu’Alexis Martin s’est laissé aveugler par son amour pour Bataille. Au point de se perdre dans le labyrinthe de cette pensée libre et engagée. Dommage.

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Une conjuration

Une conjuration

Texte d’Alexis Martin. Mise en scène de Daniel Brière. Avec Alexis Martin, Maxim Gaudette et Catherine De Léan.

Espace Libre, Jusqu’au 10 novembre

7/10