Un an après la création de Mama, Marie-Ève Milot signe sa seconde mise en scène chez Duceppe cet automne, avec Docteure. Elle dirige Pascale Montpetit dans une pièce brûlot qui aborde des sujets complexes et d’actualité. Et qui risque de générer des discussions.

La docteure Rachel Wolff, une scientifique de renom qui dirige un institut de recherche médicale, bloque le passage d’un prêtre qui s’apprête à donner les derniers sacrements à une adolescente à l’hôpital. L’incident est enregistré par le père catholique sur son téléphone. Lorsqu’il sera diffusé sur les réseaux sociaux, la crise éclatera et deviendra un scandale national.

Bienvenue au cœur du brouillard de l’information à l’ère des réseaux sociaux. Avec Docteure, Robert Icke, un des créateurs les plus réputés du théâtre britannique actuel, signe un texte percutant. En abordant le thème de l’identité, des groupes comme des individus, sa pièce touche des sujets qui polarisent la société : les préjugés racistes, la notion de privilège, l’avortement, les identités de genre, la science, l’éthique médicale…

La pièce joue aussi avec les attentes et les a priori du public d’une façon inédite et étonnante. Le spectacle est multifacettes, avec plusieurs couches de lecture.

Marie-Ève Milot, metteure en scène

Elle qualifie Docteure de « thriller moral ». « C’est vraiment une incursion dans les interstices du pouvoir et du dissensus, poursuit la metteure en scène. La pièce nous fait réfléchir et comprendre, de l’intérieur, ce que ça implique d’être au cœur du débat, et de se questionner sur la culture du bannissement. »

Le vacarme de l’histoire

Marie-Ève Milot dirige une distribution de 11 interprètes, dont Pascale Montpetit, qui se fait plus rare au théâtre depuis une dizaine d’années. « Ça fait longtemps que je veux travailler avec Pascale, dit-elle. Je lui avais proposé un rôle dans ma première pièce, Chienne(s), mais elle ne pouvait pas. »

« Je suis médecin. Je n’aime pas les étiquettes », dit Rachel Wolff, la protagoniste très complexe défendue par Pascale Montpetit. « Lorsqu’elle fait ce geste envers le prêtre, elle ne voit pas que ça va causer une polémique. Tout s’est joué sur un micro-évènement, un geste qui lui a échappé et qui, finalement, aura des répercussions sur le reste de sa vie. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Pascale Montpetit interprète la docteure Rachel Wolff.

La pièce de Robert Icke a été créée à Londres en 2019, avec Juliet Stevenson dans le rôle principal. Elle est librement adaptée de Professor Bernhardi, un texte de l’Autrichien Arthur Schnitzler écrit il y a plus d’un siècle, qui aborde les conflits interreligieux. « C’est difficile de s’entendre l’un l’autre avec le vacarme de l’histoire qui nous submerge comme une vague », dit d’ailleurs le personnage du prêtre catholique.

Pour les deux femmes, cette réplique résume très bien le spectacle. Leur démarche artistique favorise les points de vue divergents, les perspectives multiples.

Aucun être humain n’est une île. Et pourtant, nous marchons tous dans la rue comme si nous étions le protagoniste et les gens, des figurants.

Pascale Montpetit, comédienne

Lorsqu’on lui demande de revenir sur ses anciens rôles au théâtre [dans les années 1990, elle jouait en moyenne dans quatre ou cinq productions par saison], elle me renvoie la balle. « C’est vous qui pouvez me le dire. Moi, je ne regarde jamais dans le rétroviseur. J’aime mieux me projeter dans l’avenir. Ce qui m’intéresse, c’est de ne pas refaire les mêmes choses. Docteure, c’est une chose que je n’ai jamais jouée, une pièce qui est beaucoup dans le verbe, le dialogue, le débat. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Docteure est la seconde mise en scène de Marie-Ève Milot chez Duceppe.

« Lorsque je fais un nouveau rôle, je me demande c’est quoi mon terrain de jeu, quelles cartes j’ai en main. Si je dois jouer un hallebardier [un militaire, un fantassin] qui passe trois heures à tenir une lance, je vais m’arranger pour avoir du fun ; en faisant des micromouvements, en pivotant légèrement la tête… »

Docteure promet d’offrir une expérience théâtrale entière et engageante, tant pour les artistes que pour le public.

Docteure

Docteure

De Robert Icke. Mise en scène : Marie-Ève Milot. Avec Alexandre Bergeron, Sofia Blondin, Alice Dorval, Nora Guerch, Ariel Ifergan, Tania Kontoyanni, Pascale Montpetit, Sharon James, Harry Standjofski, Elkahna Talbi, Yanic Truesdale.

Chez Duceppe, Du 18 octobre au 18 novembre

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