Établie en Outaouais, la compagnie théâtrale L’eau du bain débarque au FTA avec deux spectacles distincts : White Out et La chambre des enfants (destiné aux 6 ans et plus). Conversation avec ses cofondateurs – Nancy Bussières, Anne-Marie Ouellet et Thomas Sinou – qui aiment explorer la frontière entre rêve et réalité.

Comment vous est venue l’idée de ce diptyque ?

Anne-Marie Ouellet : Le projet de départ concernait White Out. Thomas et moi cherchions une façon d’explorer le roman La maladie de la mort de Marguerite Duras.

Nancy Bussières : Moi, je revenais de trois mois dans le nord de la Scandinavie, au nord du cercle polaire, et j’étais très habitée par les paysages infinis et cette lumière blanche très diffuse. C’était une vision très contemplative.

A.-M. O. : Nancy nous a montré une œuvre de l’artiste James Turrell qui correspondait bien à l’ambiance du roman, lorsque l’homme s’aperçoit que son amour a disparu et qu’il tombe dans un grand vide. Le White Out du titre symbolise la tempête intérieure qui nous habite lorsque les repères de nos vies personnelles s’effondrent, en particulier lors de moments de deuil, de dépression ou de désorganisation.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Les trois fondateurs de la compagnie théâtrale L’eau du bain : Thomas Sinou, Anne-Marie Ouellet et Nancy Bussières

Comment se traduit cet état sur scène ?

N. B. : White Out est tout sauf une illustration ; c’est une évocation. Au point de vue de l’éclairage, il y a beaucoup de scènes hallucinées, où ce qui est vu ne correspond pas à la réalité. Ça nous plonge dans un état d’introspection. On a développé des outils vidéo pour faire émerger la lumière. Elle arrive comme une vague ; on a l’impression que la mer entre dans la chambre. Il y a la fumée et la brume qui ajoutent à cette ambiance de perte de repères.

Thomas Sinou : Pour le travail sonore, mon objectif est de transgresser toutes les frontières. J’ai juxtaposé les sons intérieurs, captés par de petits micros cachés sur le plateau, à des sons extérieurs comme le bruit du vent ou de la mer. Le tout se musicalise pour devenir un paysage dramaturgique. De petits bruits deviennent tellement intenses qu’on les ressent !

A.-M. O : On cherche ainsi à déstabiliser le spectateur, à lui secouer le corps pour provoquer une autre façon d’écouter. Pour créer une ouverture par tous les pores de sa peau !

Comment est né le spectacle La chambre des enfants ?

A.-M. O : Dans White Out, sept interprètes sont des enfants âgés de 8 à 14 ans. Leur arrivée ressème la vie dans l’espace. Avec eux, l’espace se métamorphose, la chambre devient habitée. Ça nous intéressait de réfléchir à ce qu’il y a de l’autre côté du vide et de la perte… Lors des ateliers de création, les enfants sont arrivés avec des propositions très riches, mais trop colorées pour White Out. Avec La chambre des enfants, on a voulu leur donner plus de place, aller dans leur imaginaire. Leurs jeux sont amplifiés par le son et la lumière. On est dans un conte avec peu de paroles, où on est porté par la présence de ces enfants.

PHOTO JONATHAN LORANGE, FOURNIE PAR L’EAU DU BAIN

La chambre des enfants met en scène sept enfants interprètes.

Les enfants sont-ils tous des non-acteurs, comme c’est souvent le cas dans vos créations ?

A.-M. O. : Oui. Les non-acteurs n’ont pas appris à garder la face, à se regarder jouer. Ils arrivent avec une plus grande naïveté. On adopte plusieurs stratégies pour les garder à l’écoute sans qu’ils deviennent de petits soldats qui font ce qu’on leur demande. Au théâtre, j’aime sentir que tout n’est pas prévu ou contrôlé. Sinon, c’est trop lisse. Ça m’angoisse !

Comment s’inscrivent ces deux spectacles dans le parcours de votre compagnie ?

T. S : Depuis la fondation de la compagnie en 2008, c’est celui sur lequel on a passé le plus de temps. Tout le spectacle est une performance.

N. B. : Les spectacles précédents nous ont aussi permis de développer un outil de contrôle de la lumière qui nous permet d’entrer en interaction avec les personnages, de mieux dialoguer la représentation.

A.-M. O. : On a beaucoup travaillé les images et le rythme de ces dernières. Le spectacle a déjà été présenté au Centre national des arts, à Ottawa, et au Carrousel à Québec ; les critiques ont souligné qu’on voit rarement une relation aussi fine et raffinée entre les éléments de jeu, de lumière et de son. Je le dis parce qu’on a passé beaucoup de temps là-dessus !

White Out est présenté du 2 au 4 juin au Théâtre Rouge du Conservatoire. La chambre des enfants est présenté dans la même salle, les 3 et 4 juin.

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