Interpellée par l’émergence du mouvement #metoo il y a cinq ans, la dramaturge Rébecca Déraspe a décidé de s’attaquer à la vaste question du consentement dans sa plus récente création, Les glaces. Son propos, très nuancé et d’une grande sensibilité, réussit à émouvoir, malgré un certain éparpillement.

La pièce présentée à La Licorne raconte l’histoire de Noémie, dont le fils adolescent est accusé d’avoir agressé sexuellement Jeanne, une camarade de classe. Cet évènement la convainc d’affronter ceux qui, il y a 25 ans, lui ont fait subir le même sort : Vincent et Sébastien (Christian Michaud et Olivier Normand, tous deux très justes). Un texto accusateur est lancé et les deux hommes à la vie bien rangée – l’un est prof d’université, l’autre est psychologue – vont voir leur existence basculer.

Les deux agresseurs devenus adultes se retrouvent dans leur Bas-du-Fleuve natal avec l’espoir de mettre un point final à cette histoire qu’ils avaient enfouie très profondément dans leur mémoire. Au point que ce souvenir et les émotions qui l’accompagnaient ont fini par s’évaporer avec les années.

Mais pourront-ils faire face aux conséquences de leurs actes, demander pardon à celle qu’ils ont fait souffrir et réparer ce qu’ils ont cassé ? Il y a tant à perdre pour eux. Leur entourage n’est pas épargné. Et les deux hommes ne s’entendent pas forcément sur ce qui s’est passé ce jour-là…

Place à la parole

Pour laisser la parole occuper tout l’espace, Maryse Lapierre a opté pour une mise en scène très sobre, tout en dénuement, où la direction des acteurs l’emporte sur l’inventivité scénique.

Valérie Laroche incarne avec beaucoup de dignité et de finesse le personnage par qui tout arrive, Noémie. Elle livre d’ailleurs un monologue poignant qui a tiré des larmes à plusieurs spectateurs. Dans le rôle de Jeanne, l’adolescente violée par le fils de Noémie, Marine Johnson impressionne par son aplomb. Daniel Gadouas (excellent dans le rôle du père de Vincent !), Debbie Lynch-White et Anna Beaupré Moulounda sont aussi d’une grande vérité, leurs répliques passant du tragique au comique.

Car oui, on rit dans cette pièce que Rébecca Déraspe a voulue sans lourdeur ni accusation facile. Ici, point de monstres. Il n’y a sur scène que des humains qui se débattent avec leurs faiblesses, leurs lâchetés, leurs peurs.

Seulement, la dramaturge a voulu brosser très large sur la notion de consentement. Son texte aborde la question du pardon, de l’éducation des filles et des garçons, de la solidarité féminine, du rapport au désir, du difficile processus judiciaire pour les victimes de viol… Beaucoup de filons très intéressants qui auraient pu (et auraient mérité) d’être creusés davantage.

Résultat : la pièce se termine et plusieurs fils restent pendants, la dramaturge ayant préféré les points de suspension pour permettre à chacun d’imaginer ce qu’il adviendra de ces hommes et ces femmes à la dérive. Un choix qui s’explique, mais qui nous a laissée sur notre faim.

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Les glaces

Les glaces

De Rébecca Déraspe, mise en scène par Maryse Lapierre. Avec Anna Beaupré Moulounda, Daniel Gadouas, Marine Johnson, Debbie Lynch-White, Christian Michaud et Olivier Normand.

À La Licorne., Jusqu’au 5 novembre.

7/10