Plusieurs nouveaux auteurs dramatiques participent au 20e Festival du Jamais Lu qui débute jeudi soir. La Presse a parlé à Martin Faucher, le chef d’orchestre du spectacle d’ouverture. Et vous présente aussi deux extraits de textes qui seront lus au festival.

Le metteur en scène Martin Faucher est doublement heureux de cette édition anniversaire du Jamais Lu. D’abord parce qu’il a compilé et mis en scène les textes des huit auteurs du spectacle d’ouverture, jeudi soir, Jusqu’où te mènera l’avenir. Ensuite, parce que l’ex-directeur artistique du Festival TransAmériques (FTA) a plus de temps cette année pour assister à toutes les lectures-évènements qu’il a envie de voir au Jamais Lu.

Depuis 20 ans, le taux de création des textes inédits présentés au Festival est de 70 %. « C’est énorme !, lance Martin Faucher. Ça démontre que le Jamais Lu est un tremplin essentiel pour assurer la vitalité du théâtre québécois, et qu’il existe une belle ferveur pour la création en arts de la scène. »

Né dans un petit café de la rue Saint-Denis (L’Aparté), le Jamais Lu est devenu en 20 ans un festival de théâtre majeur présenté dans trois villes et plusieurs lieux. Selon Martin Faucher, le secret de ce succès, c’est l’ouverture d’esprit et la grande liberté de sa direction artistique.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Faucher. L’ex-directeur artistique du Festival TransAmériques (FTA) aura plus de temps cette année pour assister à toutes les lectures-évènements qu’il a envie de voir au Jamais Lu.

Au fil des ans, le Jamais Lu a su se renouveler et composer avec les nouvelles voix, les préoccupations, de plus jeunes générations. Cette édition en témoigne. Le festival a bien vieilli, ce qui n’est pas évident dans notre société très complexe.

Martin Faucher

Martin Faucher est frappé par « l’hyper lucidité » des textes qu’il a lus et mis en lecture pour la soirée d’ouverture. Il note au passage que « le politique passe beaucoup par l’intime et le personnel ». « Ces jeunes auteurs revendiquent leur singularité, leur spécificité, dit-il. Ils remettent en question notre système économique, la façon dont on exerce la démocratie. »

Ce qui ressort aussi des voix émergentes qui seront entendues, selon lui, c’est un sentiment d’urgence d’agir dans la cité. « L’avenir n’est pas en 2030 ou 2050. L’avenir se joue entre maintenant et dans cinq ans ! C’est un immense défi personnel et collectif que ces textes nous lancent… »

Extraits

Jusqu’où te mènera l’avenir ?

Nahka Bertrand, Hugo Fréjabise, Sébastien David, Tamara Nguyen, Emmanuelle Jimenez, Bibish Marie Louise Mumbu, Alexis Diamond et Jocelyn Sioui ont écrit le texte qui sera mis en scène par Martin Faucher, lors de la soirée d’ouverture du Festival du Jamais Lu. Voici un court extrait de Jusqu’où te mènera l’avenir ?.

Qu’évoque le mot « Avenir » pour vous ?

C’est tout, c’est rien. C’est la promesse de quelque chose qui nous échappera toujours, probablement.

*

Le Passé idéal qu’on racontera quand on parlera au passé.

*

L’herbe qui pousse

*

Des drones Amazon jalonnent le ciel

Les oiseaux migrent à Longueuil

*

Ce mot ouvre toutes les fenêtres

Me fait voir des lumières brillantes

Me rend pleine de confiance et d’excitation

Ben non

Le pire est à venir

Et j’angoisse avec un trou dans le ventre

Comme tout le monde.

La Reine Nzinga : une épopée

Alexis Diamond, Bibish Marie Louise Mumbu et Tatiana Zinga Botao ont écrit La Reine Nzinga : une épopée. En voici un extrait.

Payer la faute. Payer. La. Faute.

Laquelle, pourquoi…

Ils disent même « On peut faire une entente ! »

Cette phrase, comme un tas d’autres, trottent dans ma tête comme un air de Céline !

Payer la faute.

Une sentence comme un cancer…

Que souvent je refuse.

Quel exercice !

Je crois au bien-fondé de mes engagements, de mes envies, de mes préférences et puis à la fin de la journée, il m’arrive de douter.

Je me dis que je n’aurai pas dû, fallait que j’examine plus attentivement, etc.

Comme si je m’étais enlevée le droit d’être spontanée et de prendre des décisions sur un coup de tête.

C’est de mon âge pourtant. Enfin je crois…

Et voilà, je le refais encore.

Oui, c’est de mon âge, c’est ma nature, je n’ai pas le don d’ubiquité, je suis émotionnelle et je peux me tromper. Voilà.

Avec la Reine, le but, pour chaque décision prise, chaque geste posé, chaque pas marqué, c’est de réclamer ses terres ancestrales, son droit de naissance et son identité intégrale. Sauf que, pour le faire, elle doit jouer au caméléon, et assumer plusieurs identités quasi contradictoires.

Alors pourquoi payer la faute ?

Laquelle, pourquoi…

La faute d’exister, de respirer, d’être ?

Je suis Québécoise, mais je ne joue pas les Québécoises sur le plateau.

Chaque lecture théâtrale est offerte en audiodiffusion. Les soirées d’ouverture et de clôture, ainsi que Les Îles de Raphaël, sont aussi offertes en vidéodiffusion. Le 20e Festival du Jamais Lu. Aux Écuries. Du 19 au 28 août.