À chaque époque où le public a besoin de rêver, la comédie musicale revient à la mode, estiment les spécialistes du genre. Alors qu'une nouvelle vague de théâtre musical déferle sur le Québec, La Presse a parlé à des amateurs du genre.

Longtemps boudée au profit du « vrai » théâtre, la comédie musicale est désormais un art prisé chez les jeunes interprètes québécois. La comédie musicale est la grande passion des Joëlle Lanctôt, Philippe Touzel, Gabrielle Fontaine, Marc-André Poliquin, Yvan Pedneault. Ces derniers ont collaboré aux succès de productions musicales comme La mélodie du bonheur, Notre Dame de Paris, Grease et Mary Poppins.

Entre chant, danse et jeu, cette nouvelle génération qui a grandi avec MixMania, Phénomia9 et Star Académie refuse de privilégier une discipline aux dépens d'une autre. Qui plus est, avec la popularité d'émissions comme Révolution, La voix et Danse avec les stars, la relève des interprètes en théâtre musical au Québec semble assurée. 

Reste à voir si le marché québécois est assez grand et assez fort pour la faire vivre...

« Depuis cinq ans, il y a un nouvel essor du théâtre musical au Québec, confirme le metteur en scène Serge Postigo. Je le constate en faisant des auditions pour Juste pour rire. D'une année à l'autre, les artistes arrivent mieux préparés, car ils vont sans cesse chercher de la formation pour s'améliorer. »

Sens de la discipline

Acteur et professeur d'interprétation en théâtre musical au collège Lionel-Groulx, Olivier Berthiaume estime que l'intérêt pour la comédie musicale chez les moins de 30 ans est aussi tributaire du succès de téléréalités comme La voix ou Révolution. « Après son numéro chorégraphique, un juge de Révolution, je crois que c'est Jean-Marc Généreux, a dit à un participant : "Ce que j'ai aimé le plus de ta performance, c'est que je n'ai pas senti l'effort technique, même si ça demande une grande prouesse technique." En une phrase, il a résumé l'art de l'interprétation en théâtre musical. »

À la base, la comédie musicale exige des interprètes qu'ils apprivoisent les « trois peurs » (triple threat en anglais) que sont la danse, le chant et le jeu. Rares sont les artistes qui maîtrisent à la perfection ces trois disciplines. Alors, ils doivent développer sans cesse leurs habiletés pour atteindre un calibre professionnel dans chacune d'elles.

Si un acteur peut très bien se débrouiller pour chanter et bouger, un danseur ou un chanteur ne maîtrise pas nécessairement l'art du jeu. « L'interprétation, c'est le talent de rendre l'émotion qui nous rattache à l'histoire, explique Olivier Berthiaume. Et si on n'embarque pas dans l'histoire, un talent de danseur ou de chanteur ne peut pas t'aider. »

De La Ronde à Mary Poppins

Passionnée du genre depuis toujours, Denise Filiatrault n'a jamais compris pourquoi des gens aimaient détester la comédie musicale. 

« Pour moi, c'est comme d'affirmer que tu n'aimes pas la musique ou le cinéma. Il y a tellement de styles, de genres et de sous-genres en théâtre musical. C'est impossible de tout mettre dans le même panier. » - Denise Filiatrault

Art hybride qui mêle drame et divertissement, la comédie musicale a aussi ses propres règles de marketing. « Le succès d'une production ne dépend pas de ses têtes d'affiche, explique Serge Postigo. La comédie musicale est le véhicule parfait pour faire découvrir de nouveaux talents. En 2015, quand j'ai offert le rôle de Mary Poppins à Joëlle Lanctôt, elle jouait une sorcière dans un spectacle à La Ronde ! »

Or, Joëlle Lanctôt piaffait d'impatience pour monter sur scène et jouer dans une production professionnelle digne de Broadway. Passionnée de comédies musicales depuis sa tendre enfance, la comédienne polyvalente se souvient avoir écouté en boucle les « cassettes » du Fantôme de l'opéra et de Starmania dans la voiture de son père. 

« La musique est un outil qui ouvre le coffre de notre mémoire, dit Joëlle Lanctôt. Les gens touchés par Mary Poppins ne le sont pas à moitié ! Après les représentations, des femmes venaient me voir les yeux pleins d'eau, parce que le personnage - et ses chansons - faisait ressortir de vieux souvenirs de leur enfance. On m'a raconté toutes sortes d'histoires personnelles liées à Mary Poppins. »

Philippe Touzel est tombé dans la potion « musicale » quand il était petit. « Jeune adolescent, j'ai eu la chance de jouer, danser et chanter avec la troupe de théâtre musical du Masque d'Or. C'est là que j'ai eu la piqûre », dit Touzel, qui a aussi été de l'aventure Phénomia9 à VRAK.TV, et qu'on a vu récemment dans la finale des Dieux de la danse

La Troupe du Masque d'Or a été fondée en 1993 à Sept-Îles, avec la mission de promouvoir la comédie musicale en créant et en diffusant des spectacles à grand déploiement. Outre Touzel, Marc-André Poliquin et plusieurs jeunes interprètes de comédies musicales ont joué pour la troupe de la Côte-Nord dirigée par Michel Pelletier. 

La comédie musicale n'est donc pas un genre dépassé. Au contraire, elle synthétise toutes les formes... et toutes les époques.

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Mamma Mia !

Après Mary PoppinsFootloose et Fame, Serge Postigo signera la mise en scène de Mamma Mia ! diffusée dès le 5 juin prochain à Montréal, à partir du 14 août à Québec. À l'été 2020, il reviendra avec La belle et la bête. « Ce sera probablement la comédie musicale la plus chère produite par Juste pour rire, a confié Postigo en entrevue, car on ne peut pas faire La belle et la bête à moitié. » La nouvelle mouture de Notre Dame de Paris sera de retour du 12 au 15 août 2020, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. La tournée de Belles-soeurs, théâtre musical, s'arrêtera à Sherbrooke les 4 et 5 janvier.