Pour 2018 revue et corrigée, le Rideau Vert a demandé à la comédienne et auteure Natalie Lecompte - qui faisait partie de la première cuvée en 2005 - de diriger le spectacle d'humour. Une année charnière où l'actualité s'est emballée à la vitesse grand V! Entrevue.

Sans être une «annus horribilis», 2018 a été, pour le milieu théâtral, une année de stupeur et de tremblements. Qui aurait dit, voilà cinq ou dix ans, que des producteurs se retireraient non pas d'un, mais de DEUX spectacles de Robert Lepage, l'un des plus influents créateurs québécois sur la planète?

Natalie Lecompte, qui dirige la nouvelle édition de Revue et corrigée, croit que 2018 est une année charnière. «Il y a eu de gros changements dans le milieu culturel et dans la société en général. Ça bouge vite, très vite... Et ce n'est pas tout le monde qui bouge en même temps», remarque celle qui est aux commandes de la revue qui prend l'affiche dès ce soir au Rideau Vert. 

Selon la metteure en scène, on se trompe si on s'attend à ce que chacun puisse changer et avancer à la même vitesse. «Prenez le mouvement LGBTQ+. C'est super, génial, l'égalité. Mais on ajoute des lettres chaque jour, et il y a des gens qui sont mêlés. Pas parce qu'ils sont nécessairement fermés, mais ils n'avancent pas au rythme des militants de la cause. Et ils ont l'impression qu'on ne leur laisse pas le temps de s'ajuster aux changements de société.»

Du fil à retordre

La question du long terme fait aussi partie du processus de création du spectacle. Lecompte et son équipe bossent depuis le printemps dernier sur leur revue.

«Ce qui est marquant pour les uns ne l'est pas pour les autres. Par exemple, pour le milieu culturel, SLĀV et Kanata, ç'a été très marquant. Mais est-ce que le grand public va encore se souvenir des enjeux de la polémique cinq moins plus tard?», se questionne Natalie Lecompte, metteure en scène de 2018 revue et corrigée.

Soyez sans crainte, il y aura un numéro sur SLĀV et Kanata au programme de la soirée. Mais la polémique de l'été culturel a donné du fil à retordre à l'équipe de création de 2018 revue et corrigée

«Mon Dieu qu'on s'est posé beaucoup de questions pour trouver le bon angle! lance Natalie Lecompte. Parce que même à l'intérieur de l'équipe, on divergeait d'opinions et on ne trouvait pas un angle qui faisait l'unanimité. Personnellement, mon opinion a changé et a évolué au fil des semaines et des discussions durant l'été. Il faut dire qu'on publiait une lettre presque chaque jour dans les médias...»

Parmi la demi-douzaine d'auteurs et le script-éditeur Daniel Leblanc, certains dénonçaient la censure et défendaient Lepage et les artisans de SLĀV et Kanata. D'autres trouvaient que le metteur en scène aurait dû voir le scandale arriver en abordant ces sujets délicats (l'esclavage noir en Amérique et l'histoire des autochtones au pays). Bref, l'équipe était aussi divisée que la population sur le sujet de l'été. 

Consensus

«La seule chose avec laquelle tout le monde était d'accord, c'est que les spectacles n'auraient jamais dû être annulés, ajoute la metteure en scène. Or, au-delà de l'annulation, le sujet est large et couvre plusieurs thèmes: la liberté d'expression, l'appropriation culturelle, la rectitude politique, etc.»

Justement, par rapport à 2005, est-ce que la rectitude politique actuelle, la peur de choquer, ne rend pas le travail plus difficile? «C'est sûr que l'air du temps vient teinter notre processus de création», répond Lecompte.

Photo fournie par le Rideau Vert

Suzanne Champagne dans son imbattable imitation de l'ex-première ministre Pauline Marois dans 2012 Revue et corrigée

«On fait attention pour ne pas tomber dans les préjugés et les stéréotypes dans nos imitations. Mais en même temps, il faut plonger. Si on marche sur des oeufs, on ne fera plus de revue. À partir du moment où tu décides de monter un show, tu assumes tes choix.»

Céline, Trump et le PQ

Toutefois, le mandat de la revue demeure de divertir et de «faire rire d'abord et avant tout». Pas de lancer des polémiques ni de faire l'unanimité dans le corpus social. 

Alors quels sont les moments et les personnalités incontournables qui risquent de se retrouver dans le spectacle? «D'une année à l'autre, il y a des classiques, répond Natalie Lecompte. Céline Dion est une incontournable. Comme les crises au PQ et le président Trump. Mais avec Trump, une nouvelle affaire vient en déloger une autre chaque jour. En mai dernier, l'étonnant coup de foudre entre Kim Jong-un et Trump était à la une. Aujourd'hui, ça peut sembler loin...»

Il y a aussi des personnages plus payants que d'autres à imiter. Sonia Benezra, par exemple, est plus facile à faire que Véronique Cloutier. Et on imagine Hubert Lenoir être du bonbon pour les imitateurs. 

Puisque l'actualité n'a jamais dit son dernier mot, le spectacle évolue constamment jusqu'à la première. Jeudi dernier, on songeait à ajouter - ou pas - un sketch sur l'animateur Jean-Philippe Wauthier qui a franchi récemment le piquet de grève d'une succursale de la Société des alcools du Québec. 

Pour découvrir qui seront les têtes d'affiche cette année, il faudra aller voir sur scène Martin Héroux, Marc St-Martin, Suzanne Champagne, Benoit Paquette et la nouvelle recrue Joëlle Lanctôt (Mary Poppins), dans cette cuvée 2018 de Revue et corrigée. 

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Au Théâtre du Rideau Vert, jusqu'au 5 janvier.

Photo fournie par le Rideau Vert

En 2011, Véronique Claveau a incarné la chanteuse Coeur de pirate avec une grande ressemblance physique.