Il faut d'abord saluer la brillante idée du comédien et metteur en scène Christian Vézina de transposer son théâtre poétique sur une passerelle et de remplacer les mannequins par des interprètes pour nous offrir cette soirée de poésie tout à fait charmante.

On connaît la passion de l'homme de théâtre pour la poésie - en particulier celles de Jacques Prévert, Gaston Miron et Michel Garneau. Cette fois, Christian Vézina nous offre des mots de femmes.

Joyce Mansour, Hélène Monette, Suzanne Jacob, Marie Étienne, Brigitte Fontaine et Ananda Devi sont les poétesses à l'honneur. Le metteur en scène fait ainsi défiler leurs «collections» de poèmes comme les designers le feraient pour leurs vêtements.

L'exercice a quelque chose à voir avec les «stoneries poétiques» de Loui Mauffette - Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent -, même si le spectacle de Christian Vézina n'a pas le côté festif et délirant de Poésie, sandwichs... L'objectif demeure pourtant le même: interpréter des poèmes et les faire entendre!

Les amateurs de poésie seront donc bien servis, même s'il y a quelque chose d'un peu répétitif dans ce défilé de mots.

La vérité est que les trois interprètes font de la haute voltige avec cette Collection printemps-été. Danielle Proulx, Elkahna Talbi et Salomé Corbo maîtrisent parfaitement ces textes poétiques qu'elles nous livrent avec beaucoup de coeur et d'humour. Seules, à deux ou à trois.

Christian Vézina a également le mérite d'avoir voulu faire des rapprochements entre ce que l'on porte et ce qui nous habite intérieurement. Dans une très belle scène, Elkahna Talbi termine un poème de Suzanne Jacob en enfilant une robe rouge. «La robe te murmure: enfin te voilà...» Joli, non?

Les costumes conçus par Judy Jonker sont à cet égard magnifiques. On aurait aimé en voir plus et faire encore plus de liens avec les poèmes choisis par Christian Vézina, mais bon, ce n'est pas une tâche facile d'habiller ces mots. Le résultat est quand même surprenant.

Le meilleur moment de la soirée: le duo formé d'Elkahna Talbi et de Salomé Corbo - qu'on ne voit pas assez au théâtre - dans les rôles de deux femmes de ménage. Leurs personnages râlent et râlent avant d'être touchés par la grâce en constatant que leurs haillons sont réversibles... et qu'ils se transforment en tenues de soirée! «Quelquefois, il fait si beau que tout est pardonné», disent-elles en lançant des pétales de rose. Voilà une belle métaphore pour décrire cette soirée poétique qui a certaines longueurs: quelquefois, pourrait-on dire, les mots sont si beaux que tout est pardonné!

***1/2

À Espace libre jusqu'au 11 avril.