Après avoir abordé les thèmes de l'exil et de l'identité, Mani Soleymanlou a eu envie de raconter cette histoire de «quatre gars dans un party» imaginée il y a 10 ans dans les murs de l'École nationale de théâtre avec ses trois amis: Éric Bruneau, Guillaume Cyr et Jean-Moïse Martin. Ils étaient quatre (à La Licorne, du 9 mars au 13 avril), c'est eux, mais grossis à la loupe, dans un portrait de la génération des trentenaires.

Mani Soleymanlou

Il a écrit ce texte avec Mathieu Gosselin. Quatre amis dans la trentaine y font le récit d'un soir de party. Le texte a été actualisé pour refléter la «réalité» des quatre interprètes qui jouent ici leur propre rôle. Même si tous leurs traits ont été volontairement «exagérés». Son «personnage» de séducteur maladroit est obsédé par le sexe. «Au fond, on évoque différents thèmes: l'argent, le cul, la famille, la quête de bien-être. C'est un peu le portrait d'une génération, estime Mani Soleymanlou, qui signe aussi la mise en scène. Une génération qui doit composer avec la pression de la performance, la réussite, les excès. Je voulais parler d'autre chose que d'identité culturelle.» Ils étaient quatre est le premier volet d'une trilogie. Le texte rappelle la célèbre phrase de la série Seinfeld: «It's a show about nothing.» Il sera suivi de Cinq à sept, qui mettra en scène quatre filles. Le dernier volet réunira les huit acteurs le soir du party.

Éric Bruneau

«On joue avec la réalité, nous dit Éric Bruneau, qui non seulement a étudié à l'École nationale avec ses partenaires de scène, mais qui a aussi partagé un appartement avec eux. Oui, je m'appelle Éric et je joue à la télé, mais ça reste une partition écrite. C'est drôle parce qu'on peut se permettre de dire des choses qu'on ne dirait pas autrement, justement parce qu'on est amis. Mais même si la ligne est mince, ce n'est pas du théâtre documentaire.» L'idée de ce party est née à l'École, mais aujourd'hui, Éric Bruneau estime que l'exercice scolaire de 20 minutes a été poussé beaucoup plus loin. Son personnage jette un regard parfois critique sur la société. «Il a un besoin de fuite face à la pression. Il parle aussi d'argent, parce qu'il en fait beaucoup, contrairement à Jean-Moïse, par exemple. Il parle aussi de la manière de trouver sa place.» Son personnage est heureux, même s'il se questionne beaucoup.

Jean-Moïse Martin

À 36 ans Jean-Moïse Martin est le doyen du quatuor. Son parcours a été plus cahoteux que celui de ses collègues. En fait, beaucoup de gens l'ont découvert le mois dernier dans la pièce Un tramway nommé Désir. «Mon personnage me représente un peu, dit-il. Je n'ai pas travaillé autant qu'Éric, Guillaume ou Mani. Après l'École, je n'étais pas sûr de savoir ce que je voulais faire. J'ai beaucoup fait la fête, je n'étais pas vraiment centré. Donc, oui, mon personnage me ressemble, même si ce n'est pas tout à fait moi non plus.» Même s'il a joué dans plusieurs productions avant le Tramway, son plaisir de jouer est récent. «Tout est fonction des rencontres qu'on fait», indique-t-il. Son personnage reflète un peu cette réalité, même s'il est pas mal plus «excessif» dans Ils étaient quatre. «N'empêche, nous dit le comédien, c'est vrai qu'on aime faire la fête, tous les quatre. On s'est même demandé pourquoi on avait besoin de faire ça pour exister. On a ce besoin d'euphorie.»

Guillaume Cyr

Le personnage de Guillaume Cyr partage deux réalités avec son alter ego sur scène: il vient d'avoir un enfant et il habite sur la Rive-Sud. «Même pour nous, c'est parfois mélangeant, ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, avoue le comédien. Mais c'est sûr que Guillaume est le gros nounours sentimental de la gang. Contrairement à moi, il a de la difficulté à vivre avec son statut de père. Il aimerait continuer à s'amuser comme un enfant.» Le fameux party est le prétexte pour révéler «le monstre intérieur» des quatre personnages. «C'est une soirée qui ne se déroule pas comme prévu et où toutes nos insatisfactions et nos colères vont exploser. C'est un portrait très cru et pas nécessairement flatteur de l'homme trentenaire.» Ses partenaires de scène, qu'il a connus à l'École nationale, sont encore aujourd'hui ses meilleurs amis. «On ne s'est jamais quittés, on s'est vus tomber. Ce spectacle est un peu une célébration de notre amitié.»