En réunissant leurs arts respectifs, Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette ont inventé une forme plutôt inédite de spectacle: le «documentaire scénique», qui révélera des pans de la vie de vrais gens, sans l'intervention de comédiens. Le résultat risque fort d'être aussi étonnant que bouleversant.

Ce n'est pas la première fois qu'ils travaillent ensemble et probablement pas la dernière non plus. De leur dernière collaboration, le cabaret Vous êtes libres, créé à la Place des Arts l'an dernier, est né un nouveau concept pour la scène, le «documentaire scénique», alliant le théâtre, formation première du polyvalent Émile Proulx-Cloutier, et le documentaire, spécialité d'Anaïs Barbeau-Lavalette, qui nous a aussi offert les films de fiction Le ring et Inch'Allah.

Pour le couple, il s'agit en quelque sorte d'exposer, dans un cadre théâtral, la vie de vrais gens qui seront eux-mêmes sur scène. «Nous avions créé deux segments de ce genre pour le cabaret et c'est ce qui a le plus marqué les spectateurs», se souvient Anaïs.

Pour ce deuxième spectacle, ils se sont entièrement concentrés sur ce concept. Sept vies, sept «coups de coeur» pour des inconnus qui n'ont finalement rien d'ordinaire, forment la «pièce» - si on peut dire - Vrais mondes.

Vrais protagonistes, cadre fictif

Anaïs a mené des heures d'entrevues avec sept personnes, qui ont été résumées à huit minutes pour chacune. Ces entrevues audio seront la trame sonore du spectacle, tandis que les personnes qui se sont confiées seront elles-mêmes sur les planches, dans une mise en scène d'Émile, qu'il a souhaitée minimale.

«Je voulais enlever le facteur «théâtre», les acteurs qui se réapproprient des témoignages, et garder l'intimité provoquée par la rencontre documentaire, tout en rejoignant la proximité que procure la scène. Nous sommes habitués à la convention selon laquelle Guy Nadon joue un policier, par exemple. Là, c'est un vrai policier, mais dans le même éclairage qui aurait magnifié Guy Nadon. Nous sommes dans le cadre qui soutient d'habitude la fiction.»

Ils ne veulent rien dire des personnes choisies, préférant réserver la surprise aux spectateurs. Mais déjà, leur propre expérience leur a apporté beaucoup de leçons, particulièrement à l'acteur. «Je me suis rendu compte que les archétypes, ça n'existe pas», dit Émile.

«Un gain qu'on fait par rapport au documentaire, ajoute Anaïs, c'est qu'on préserve toute la fragilité de la confession et l'intimité de la rencontre, mais avec une personne qui n'est pas habituée à la scène. C'est super émouvant de voir cette personne qui est très vulnérable et qui, en même temps, a le goût de se donner aux gens qui viennent l'écouter.»

Seront représentées des vies très diverses, paraît-il. Certaines confidences seront dures, d'autres dérangeantes, d'autres drôles.

«Ce qu'on veut faire ressortir, précise Anaïs, c'est que tout le monde aurait pu être sur scène, et que toutes les histoires méritent d'être racontées. Mais nous nous sommes rendu compte qu'il y avait certains points communs entre [les gens choisis]. Ce sont des personnes qui ont fait des choix radicaux. À un moment de leur vie, il y a un point de rupture.»

«C'est une soirée en montagnes russes sur le plan émotif, résume Émile. Nous avons vraiment eu du plaisir à faire ça; c'est un vaste horizon qui s'ouvre à nous. En tout cas, ce ne sont pas les gens qui manquent!»

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À la Cinquième Salle de la Place des Arts, du 14 au 17 mai, 20h.