Les comédiennes Violette Chauveau et Marie Charlebois forment un couple tout en contraste le temps d'une création au Théâtre Prospero. Entrevue avec deux femmes de parole et de rêve.

L'une est délurée, l'autre, réservée. L'une est colorée et cherche partout la lumière, l'autre préfère les vêtements sombres et fuit l'attention médiatique. L'une canalise sa folie sur les planches, l'autre l'exprime à travers des personnages.

Violette Chauveau et Marie Charlebois ont beau faire le même métier et mener une carrière en parallèle depuis 25 ans, elles sont très différentes. Or, comme les contraires s'attirent, les deux comédiennes incarnent dès demain, sur la (petite) scène du Prospero, un couple d'amoureuses dans PIG, nouvelle pièce de Simon Boulerice. Une première rencontre entre ces deux actrices sur les planches.

Alors que les rôles pour les femmes de 40 ou 50 ans ne courent pas les rues, elles sont heureuses de jouer dans une création d'un jeune auteur, dirigée par le metteur en scène Gaétan Paré, pour une petite compagnie, Abat-Jour Théâtre, une troupe cofondée, entre autres, par Simon Boulerice et Sarah Berthiaume. La troupe a pour mission de réaliser des créations mariant poésie et fantaisie en misant sur les contrastes théâtraux.

«Je joue Phoebe, la conjointe de Claire, explique Violette Chauveau. Une couturière excentrique qui aime ajouter de la couleur et de la fantaisie dans la vie. Tout le contraire de sa blonde, qui est autoritaire, froide et terre à terre...»

Marie Charlebois est troublée par la souffrance physique (elle a un cancer) et morale de son personnage. «Claire est une femme dure et rigide parce qu'elle souffre », croit Charlebois.

En plus de ne pas accepter son homosexualité, elle ne veut pas que son fils de 9 ans soit différent. Selon elle, la pire chose qui pourrait lui arriver [après son cancer], c'est que son enfant soit "fif" » !

D'ailleurs, Claire dira dans la pièce: «Je suis une lesbienne et je vais brûler en enfer, c'est tout ce que je mérite, non?»

«Claire est dans la négation de son identité, de sa sexualité, parce qu'elle ne s'aime pas et ne s'estime pas», explique son interprète.

La muse et le petit cochon

Pour le malheur de Claire, Paul, joué par le jeune Gabriel Szabo, un acteur finissant de l'Option-Théâtre de Ste-Thérèse en 2013, désire porter une robe à l'Halloween. Une belle «robe de Muse» que Phoebe lui a confectionnée en cachette (sa mère lui impose plutôt un costume de cochonnet). Or, le soir de l'Halloween, au moment où le cochonnet va se métamorphoser en Muse, Paul disparaît dans la nuit froide et noire, laissant sa mère dans un profond désarroi.

La pièce PIG est une drôle de fable, un conte pour adultes, avec la griffe unique de Boulerice.

Sur son chemin, le couple homoparental va croiser un étudiant en cinéma qui fait un mémoire de maîtrise sur le cinéma de Polanski (Philippe Robert), une témoin de Jéhovah et la réincarnation de l'actrice Sharon Tate (les deux rôles sont joués par Marie-Laurence Moreau).

Or, pour les deux actrices, la parole de Simon Boulerice révèle aussi des thèmes importants sur l'identité et la liberté, entre autres, et des questions d'actualité. «Au moment où l'on voit, par exemple, des centaines de milliers de gens manifester dans les rues en France contre le mariage gai, il faut montrer la réalité homoparentale, estime Violette Chauveau. Alors que le taux de suicide des jeunes adolescents gais reste alarmant, l'homophobie est trop souvent banalisée, voire tolérée.»

Finalement, à bien y penser, Violette Chauveau et Marie Charlebois se ressemblent. Elles ont toutes deux choisi le même métier pour la même raison: raconter des histoires pour toucher et transformer le public. Et nous aider à vivre dans un monde meilleur.

Du 5 au 19 février au Théâtre Prospéro

Marie Charlebois en cinq titres

  • Après moi de Christian Bégin (Les Éternels Pigistes, 2012). La pièce des Éternels pigistes sera présentée au Théâtre la Seizième, à Vancouver, en avril prochain. Actrice et metteure en scène.
  • Le rire de la mer de Pierre-Michel Tremblay (Les Éternels Pigistes, 2001). Actrice et metteure en scène.
  • Les jumeaux vénitiens de Goldoni (Théâtre Juste pour rire, 2000).
  • Quelques humains de Pierre-Michel Tremblay (Les Éternels Pigistes, 1998). Actrice et metteure en scène.
  • In extremis de William Mastrosimone (Théâtre de Quat'Sous, 1987).

Un personnage qu'elle n'oubliera jamais?

Claudia Dwey. Dans la pièce Beaver de Doris Delilo, mise en scène par Philippe Lambert, à la Licorne en 2006.

Violette Chauveau en cinq titres

  • Médée d'Euripide (Théâtre Denise-Pelletier, 2011)
  • L'hôtel du libre-échange de Feydeau (Théâtre du Nouveau Monde, 2004)
  • La main d'Edwige au moment de sa naissance de Wajdi Mouawad (Théâtre d'Aujourd'hui, 1999).
  • Thérèse, Tom et Simon de Robert Gravel (Nouveau Théâtre Expérimental, 1998). Gravel a écrit le rôle de Thérèse pour Violette Chauveau.
  • La ménagerie de verre de Tennessee Williams (Théâtre Varia en Belgique, 1991).

Un personnage qu'elle n'oubliera jamais?

Simone. Dans Une vie pour deux d'Evelyne de la Chenelière (d'après un roman de Marie Cardinal), créée à l'Espace Go en 2012. Violette a reçu le prix de la meilleure interprète remis par l'Association québécoise des critiques de théâtre pour ce rôle. La pièce sera reprise en tournée au Québec et au Canada la saison prochaine.