Étrange récit que ce Chant de meu écrit pour la scène par le comédien et réalisateur Robin Aubert. Sorte de thriller symboliste où un homme «des régions» tue une vache à coups de couteau avant de s'en prendre au propriétaire de la bête...

Avec sa poésie rugueuse et terre à terre, Robin Aubert a créé des personnages simples (sans être simplets), qui se retrouvent devant un drame qui les dépasse complètement. La suite des «événements» est une tentative de reconstitution.

Le Noble Théâtre des trous de siffleux (appréciez le titre de cette compagnie de Mont-Laurier!) dirigé par Benoît Desjardins, a fait appel à deux comédiens de talent - Hubert Proulx et Martin Dubreuil - pour interpréter cette fable sur l'amitié.

L'amitié est en effet le coeur de ce huis clos. Car au-delà du drame rapporté, c'est du rapport fraternel entre les personnages d'Alain et de Marco qu'il s'agit. Au fond, la vache a valeur de symbole. On aurait pu parler d'un lapin ou d'un agneau, ça n'aurait rien changé à l'histoire.

Comment un homme réagit-il lorsque son meilleur ami lui avoue un meurtre? Voilà la question que pose l'auteur.

Sans fournir les réponses, Robin Aubert réussit très bien à faire parler ses personnages de la campagne (peut-être un peu trop pour ces hommes de peu de mots...) pour exprimer ce flot d'émotions qui les traverse et les confronte à eux-mêmes.

On peut se demander si les deux hommes auraient pu être des citadins montréalais d'origine libanaise. Les mêmes questions se seraient posées, me semble-t-il. Les gens de la campagne n'ont pas le monopole de l'authenticité...

Cela dit, Robin Aubert parvient à nous rendre terriblement attachants ces deux amis séparés par les «vacheries» de la vie. Les passages où les deux hommes évoquent leur jeunesse insouciante ou encore leurs rêves d'avenir sont particulièrement touchants.

Martin Dubreuil et Hubert Proulx offrent ici une grande performance, à la fois dans leur maîtrise de la langue d'Aubert et dans la gestuelle et les silences que commande ce texte brut et coloré, qui contient aussi une dose d'humour, il faut bien le dire.

Benoît Desjardins signe une mise en scène minimaliste, avec une chaise et un petit frigo pour tout décor. Vous l'aurez compris, toute la pièce repose sur l'interprétation des acteurs qui recréent le drame avec la musique atmosphérique de Sylvain Lafontaine.

C'est dans ce dénuement que résonne «le chant de meu». Un chant triste et, oui, vache, mais profondément humain.

Dans la salle intime du Prospero jusqu'au 30 novembre.