C'est une nouvelle production audacieuse que la compagnie Le Carrousel propose aux enfants à la Maison Théâtre en ce moment. Gretel et Hansel, relecture du célèbre conte des frères Grimm, se décline sur un ton plutôt dramatique dans une scénographie proche de l'art contemporain, qui laisse toute la place à l'imagination.

La trame du conte qu'on connaît se retrouve dans la pièce écrite par Suzanne Lebeau: la pauvreté, les enfants abandonnés dans la forêt par leurs parents, la sorcière qui «engraisse» Hansel pour pouvoir le manger... C'est l'angle qui diffère, puisque les péripéties, vues à travers le regard des enfants eux-mêmes, mettent en lumière la rivalité entre la grande soeur et le petit frère.

Gretel, en effet, ne se gêne pas pour dire que ce petit frère est de trop dans sa vie, avec sa manie de toujours vouloir l'imiter en disant: «Moi aussi». Alors lorsqu'ils se retrouvent seuls, malgré son instinct protecteur, la tentation est grande de se débarrasser de lui...

Pulsions

Quel enfant n'a pas déjà rêvé de faire disparaître le nouveau bébé de la famille?

Suzanne Lebeau va jouer dans des pulsions pas très jolies, mais réelles en s'intéressant à la relation d'amour-haine qui règne dans une fratrie. Et elle le fait d'une manière fort habile, puisque Gretel et Hansel sont narrateurs et acteurs de leur histoire. Ils changent de statut parfois dans la même phrase, racontent l'action puis la jouent, décrivent la sorcière sans la montrer, interprètent ou rapportent les répliques des parents.

Ainsi, les désirs quasi meurtriers de Gretel sont désamorcés, puisque même si elle a pensé à pousser son frère dans le feu, le recul permet de constater qu'elle n'est pas passée à l'acte. C'est ensemble que les enfants narrent l'histoire, parfois de manière antagoniste en revivant intensément les moments plus durs, mais aussi avec connivence, apprenant toujours un peu plus la solidarité.

La mise en scène de Gervais Gaudreault est probablement aussi surprenante que l'angle adopté, puisque les comédiens, Catherine Dajczman et Jean-Philip Desbiens - tous deux excellents - , jouent sur une scène nue, devant un fond noir.

L'espace n'est habité que par une dizaine de chaises hautes qui se transforment en forêt, en prison, en terrain de jeu ou en bûcher au gré des mouvements, de l'éclairage et des déplacements.

Pas de maison de pain d'épice ni de sorcière, donc, que cette installation minimaliste et quelques effets sonores bien placés pour évoquer l'univers du conte.

Si le résultat est percutant et fonctionne réellement, l'ensemble est tout de même un peu statique et bavard. Ainsi, même si la pièce est recommandée pour les 6 à 9 ans, les plus vieux spectateurs semblent davantage en mesure d'en saisir toute la subtilité et les niveaux de narration.

Dramatique

À la sortie de la représentation, samedi, on pouvait entendre des commentaires d'adultes qui disaient avoir rarement vu une pièce aussi dramatique à la Maison Théâtre.

L'original n'est pourtant pas si rigolo, et il est intéressant de voir comment cette deuxième adaptation en quelques mois du même conte - l'été dernier, Hansel et Gretel a été présenté par le théâtre La Roulotte, sur un mode beaucoup plus ludique - peut amener les enfants complètement ailleurs. La même base peut les faire réfléchir sur la société - c'était le cas avec La Roulotte l'été dernier - ou sur des sentiments extrêmes, comme c'est le cas ici.

En faisant du neuf avec du vieux archiconnu, Suzanne Lebeau fait vivre aux spectateurs des émotions inattendues et se surpasse dans son écriture toujours aussi précise et imagée, pleine de rebondissements et de jeux, qui fait appel à l'intelligence de son jeune public. Du travail de pro.

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À la Maison Théâtre jusqu'au 3 novembre. Pour les 6 à 9 ans.