Se pourrait-il que la dramaturgie québécoise se trouve à la croisée des chemins? Si la tendance que l'on constate dans la programmation du 9e Festival du Jamais Lu se confirme, l'ailleurs et les gens venus d'ailleurs occuperont une place grandissante sur nos scènes. De la douzaine de textes qui seront mis en lecture entre le 30 avril et le 9 mai, plus de la moitié comptent des personnages issus de l'immigration ou posent un regard au-delà de nos frontières.

«C'est arrivé comme ça et c'est ce qui est assez étonnant, constate Marcelle Dubois, cofondatrice du Jamais Lu. En neuf ans d'existence, c'est la première fois que le territoire imaginaire est aussi vaste, qu'il cherche à explorer un Québec agrandi de l'intérieur, à travers des réalités socio-démographiques qui bougent, et par le voyage, les frontières qui tombent, des gens de passage.»

Ce rapport à l'étranger - qu'il s'agisse d'une personne ou d'un territoire - sera exploré sous différents angles au cours des 10 jours du festival. Il sera inévitablement question d'identité, notamment dans Lequel est Basquiat où Philippe Racine s'interroge sur ce que c'est d'être noir au Québec. Or, le rapport à l'autre passe aussi par l'amitié (La nuit, la vigie, de Véronique Pascal, campée dans un bidonville fictif) et la solidarité (Emmanuelle Jimenez, auteure de Soleil Barclay plonge dans la vie de mères pour la plupart immigrantes vivant dans le même immeuble du quartier Côte-des-Neiges).

Ce qui change, selon Marcelle Dubois, c'est que les auteurs immigrants ne sont plus les seuls à témoigner de la pluralité de la société québécoise. «Ce discours est repris par tout le monde», dit-elle. Parfois avec beaucoup d'humour, constate-t-on en lisant le synopsis des Lettres arabes de Geoffrey Gaquère et Olivier Kemeid qui affirment mettre en scène «le Québec des accommodements raisonnables, vus par deux étrangers qui peuvent se permettre de tout dire, car si vous n'êtes pas d'accord, vous êtes racistes».

«Tout à coup, j'ai l'impression que la dramaturgie quitte ce que j'appelle de manière un peu baveuse le questionnement identitaire post-révolution tranquille blanc Plateau-Mont-Royal», dit encore Marcelle Dubois. Elle s'en réjouit, bien entendu, et espère que cela fera en sorte «que la nouvelle population montréalaise se sentira bienvenue dans les théâtres».

En plus de la douzaine de pièces mises en lecture, le Jamais Lu (programmation complète disponible sur le site www.jamaislu.com) proposera une table ronde sur l'écriture (Écrire, c'est rencontrer ou provoquer?), une parodie de l'émission Coup de foudre sur un mode dramaturgique (Les Confessions publiques) et invite à explorer la nouvelle dramaturgie chilienne. De passage à Montréal à l'invitation du festival, l'homme de théâtre Ramon Griffero lira des extraits choisis de textes écrits par des dramaturges de son pays.

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Festival du Jamais Lu, du 30 avril au 8 mai.