La fin de l'année est propice aux comédies romantiques et autres douceurs saisonnières. Au chapitre, le théâtre Jean-Duceppe ne fait pas exception, en clôturant bon an mal an la saison, dans une pétillante légèreté. Les comédiens Henri Chassé et Danielle Proulx y reprennent leurs personnages de Vito et Suzie, qu'ils ont défendus au théâtre Beaumont St-Michel en 2006. Une sorte de conte de fées avec des dents, nous promettent-ils.

Je rencontre Henri Chassé et Danielle Proulx dans la salle de répétition de chez Duceppe. Un sofa aux couleurs criardes, un frigo rose bébé et autres accessoires bigarrés disposés de part et d'autre de la salle, en disent long sur le personnage de Suzie. Celle qui est décrite comme une artiste fauchée et pleine d'ambition. «C'est une actrice dans la cinquantaine, qui vit un creux. Sa vie va mal, sa carrière tourne à vide. La veille de Noël, elle passe une audition et se plante», résume Danielle Proulx.

 

Mais un amour, un coup de foudre plutôt, arrivera à la rescousse pour sortir la pauvre dame de la déprime. «Cet homme, Vito DiStasio, est un producteur qui vient la voir en audition. Par contre, elle ne correspond pas du tout à ce qu'il recherche. Comme il y a une tempête de neige, la pièce devient un huis clos, puisqu'ils sont enfermés dans son loft. C'est alors le début de quelque chose entre eux», poursuit la comédienne.

Mais Vito et Suzie sont des personnalités aux antipodes. Le premier cumule les succès professionnels et les conquêtes. La seconde a une vie amoureuse désertique et une carrière en chute libre. «Comme ils sont des contraires, ils se chicanent continuellement. Deux mondes s'affrontent à travers eux: celui de Vito, un homme obsédé par l'efficacité, qui incarne l'argent instantané. Et le monde de Suzie, qui vit pour la création pure sans argent», d'ajouter Henri Chassé.

Crêpage de chignon

Une première mouture de Faits pour s'aimer a pris la scène du théâtre Beaumont St-Michel, à l'été 2006. Une version plus «soft», précise Danielle Proulx, dans laquelle les rapports entre les deux protagonistes étaient moins cinglants. Pour la version destinée au public de chez Duceppe, le metteur en scène Michel Poirier a choisi d'aiguiser les crocs des deux futurs amoureux.

«Dans sa tentative de séduction, Suzie n'est pas dans la gentillesse», annonce Danielle Proulx, qui a réalisé la traduction et l'adaptation de cette pièce écrite dans les années 80 par Renée Taylor et Joseph Bologna. «Les deux transportent des blessures. Suzie est une survivante qui ne lâche pas le morceau. Elle a décidé que Vito était l'homme de sa vie.»

De l'avis des deux comédiens, Faits pour s'aimer démontre que le théâtre d'été «nouveau genre» peut réaliser avec succès un passage au théâtre «en saison». «Beaumont St-Michel, tout comme le théâtre de Terrebonne et celui de Kingsey Falls, a un souci de faire un théâtre de qualité, qui a de la gueule. Parce que le public devient de plus en plus exigeant», fait valoir Danielle Proulx, qui était de la distribution du Gars de Québec de Michel Tremblay, à Beaumont St-Michel à l'été 2008.

Henri Chassé, quant à lui, souligne que l'art de porter sur ses épaules une comédie de situation exige qu'un acteur soit alerte et attentif à la réponse du public. «Le grand danger, dans la comédie, est de tomber dans la complaisance.»

S'ils sont faits pour s'aimer, souhaitons qu'ils seront aussi doués pour nous faire rigoler. Parce qu'en ces temps de morosité, la comédie romantique est peut-être l'antidote par excellence à la déprime.

Faits pour s'aimer, de Renée Taylor et Joseph Bologna, adaptation et traduction de Danielle Proulx, dans une mise en scène de Michel Poirier, du 17 décembre au 7 février au Théâtre Jean-Duceppe.