L’arrivée

Mardi matin, sous un léger crachin à Philadelphie. Ça n’empêche pas une vingtaine de membres de l’orchestre de partir de l’hôtel à pied vers 10 h, direction les célèbres « marches de Rocky », devant le Museum of Art de Philadelphie. Certains y vont à la course, la plupart en marchant, mais tous vont les gravir deux par deux jusqu’en haut. Pour rendre hommage au film, bien sûr, mais il y a aussi une symbolique de victoire derrière ce geste.

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Marche de santé à Philadelphie pour les musiciens Alexandre Lavoie, Antoine Mailloux, Corine Chartré-Lefebvre, Jean Ai Seow et Florence Malette, malgré le mauvais temps

L’Orchestre Métropolitain (OM) est sur la route depuis samedi matin déjà. Trois bus ont quitté Montréal en direction de Worcester, près de Boston, où les musiciens ont joué en après-midi dimanche. En tout, un peu plus de 73 instrumentistes ont fait le voyage, plus quelques membres de l’administration et de l’équipe technique. Et un immense camion-remorque, qui transporte leurs précieux instruments.

Lundi était une journée libre, d’autant qu’ils sont arrivés tard en soirée dimanche, après leur concert d’après-midi au Mechanic Hall de Worcester. Ils en ont donc profité pour visiter la ville, mais les choses reprennent pour vrai ce mardi : il y aura une « acoustique » en fin d’après-midi, puis un concert le soir, au Verizon Hall.

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Victoire, après la montée des marches du Musée des beaux-arts de Philadelphie

L’orchestre fondé en 1981 en est à sa troisième tournée à vie : la première a eu lieu en 2017 en Europe, et la deuxième, en 2019, l’avait mené également à Philadelphie et à New York. « Être réinvité aux deux endroits, ça fait plaisir, et ça met encore plus en confiance, confie le chef Yannick Nézet-Séguin. C’est comme ça que je le sens cette fois. Le résultat, c’est qu’on joue encore mieux. »

L’hôtel

  • Nancy Ricard est violon solo de la section des seconds violons, permanente depuis 2011. Elle avait participé à la première tournée en Europe, mais raté celle de 2019 aux États-Unis parce qu’elle était en congé de maternité. « Aller jouer à Carnegie, c’est le rêve ! Je me pince qu’on ait la chance d’être invités là. Même chose à Philadelphie : on est heureux de rencontrer les musiciens de l’autre orchestre de Yannick. » La tournée permet aux musiciens de se rapprocher dans un contexte différent… mais la maman de deux jeunes enfants aime bien aussi l’idée d’être prise en charge pendant quelques jours ! Et que répète-t-elle ? « On connaît bien ce qu’on a à jouer dans cette tournée, mais j’ai quand même des bouts à regarder. Et lundi, on commence à répéter un nouveau programme, alors je commence à le travailler tout de suite. »

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    Nancy Ricard est violon solo de la section des seconds violons, permanente depuis 2011. Elle avait participé à la première tournée en Europe, mais raté celle de 2019 aux États-Unis parce qu’elle était en congé de maternité. « Aller jouer à Carnegie, c’est le rêve ! Je me pince qu’on ait la chance d’être invités là. Même chose à Philadelphie : on est heureux de rencontrer les musiciens de l’autre orchestre de Yannick. » La tournée permet aux musiciens de se rapprocher dans un contexte différent… mais la maman de deux jeunes enfants aime bien aussi l’idée d’être prise en charge pendant quelques jours ! Et que répète-t-elle ? « On connaît bien ce qu’on a à jouer dans cette tournée, mais j’ai quand même des bouts à regarder. Et lundi, on commence à répéter un nouveau programme, alors je commence à le travailler tout de suite. »

  • Christine Harvey est une violoncelliste surnuméraire qui se joint régulièrement à l’orchestre selon les besoins. Cette tournée, c’est « comme atteindre un grand rêve » pour elle. « On a la chance de travailler avec un des plus grands chefs au monde, et il nous amène dans ses villes. On sent qu’il est heureux de nous faire profiter de ça. » La musicienne, qui a elle aussi commencé à répéter le programme de lundi, raconte que le chef leur a dit, au début de la tournée, qu’il souhaitait que l’OM transporte l’expérience montréalaise aux États-Unis, et que ce n’était pas qu’une question de justesse et de performance. Quelle est-elle, cette personnalité de l’OM ? « L’implication physique. Il demande qu’on sente notre présence. Ce n’est pas du jeu de fond de chaise, on donne tout. »

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    Christine Harvey est une violoncelliste surnuméraire qui se joint régulièrement à l’orchestre selon les besoins. Cette tournée, c’est « comme atteindre un grand rêve » pour elle. « On a la chance de travailler avec un des plus grands chefs au monde, et il nous amène dans ses villes. On sent qu’il est heureux de nous faire profiter de ça. » La musicienne, qui a elle aussi commencé à répéter le programme de lundi, raconte que le chef leur a dit, au début de la tournée, qu’il souhaitait que l’OM transporte l’expérience montréalaise aux États-Unis, et que ce n’était pas qu’une question de justesse et de performance. Quelle est-elle, cette personnalité de l’OM ? « L’implication physique. Il demande qu’on sente notre présence. Ce n’est pas du jeu de fond de chaise, on donne tout. »

  • Le corniste Louis-Philippe Marsolais a joggé le matin et fait maintenant sa « mise en forme quotidienne » en après-midi dans sa chambre. Le musicien, qui est à l’OM depuis 15 ans, en est à sa troisième tournée. « C’était touchant, la première, avec les anciens qui sont là depuis 30, 40 ans. C’était une grande victoire pour eux. Cette fois, c’est similaire, en plus condensé. Mais c’est le fun de revenir dans ces salles ! » Pour lui, la présence de Yannick Nézet-Séguin est un levier dont l’orchestre profite. « Je soupais hier avec un collègue de l’Orchestre de Philadelphie, et il me disait à quel point il était une superstar ici. Plus qu’à Montréal même. Quand il a été nommé au Met et à Philadelphie, on a tous eu peur qu’il parte, mais il a réaffirmé qu’il voulait rester. Il croit en nous… mais on a besoin qu’il soit là pour que ces choses arrivent. »

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    Le corniste Louis-Philippe Marsolais a joggé le matin et fait maintenant sa « mise en forme quotidienne » en après-midi dans sa chambre. Le musicien, qui est à l’OM depuis 15 ans, en est à sa troisième tournée. « C’était touchant, la première, avec les anciens qui sont là depuis 30, 40 ans. C’était une grande victoire pour eux. Cette fois, c’est similaire, en plus condensé. Mais c’est le fun de revenir dans ces salles ! » Pour lui, la présence de Yannick Nézet-Séguin est un levier dont l’orchestre profite. « Je soupais hier avec un collègue de l’Orchestre de Philadelphie, et il me disait à quel point il était une superstar ici. Plus qu’à Montréal même. Quand il a été nommé au Met et à Philadelphie, on a tous eu peur qu’il parte, mais il a réaffirmé qu’il voulait rester. Il croit en nous… mais on a besoin qu’il soit là pour que ces choses arrivent. »

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En marchant dans les couloirs de l’hôtel pendant la journée, on entend derrière les portes closes les sons des instruments qui s’échappent... Plusieurs musiciens profitent de leur temps libre pour s’exercer. Nous avons cogné pour discuter avec quelques-uns d’entre eux.

La répétition

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En répétition au Verizon Hall

À 17 h, c’est l’heure de l’acoustique au Verizon Hall. C’est moins une répétition que l’occasion pour l’orchestre d’apprivoiser cette immense salle moderne, qui a été conçue par les mêmes acousticiens que la Maison symphonique à Montréal. Le PDG de l’Orchestre de Philadelphie, Matías Tarnopolsky, les accueille. « Nous sommes vraiment heureux de vous avoir ici, nous gardons d’excellents souvenirs de votre passage en 2019. » Mais, comme tout le monde l’a mentionné pendant la journée, cette fois-ci est particulièrement émouvante puisque dans un mois environ, c’est l’Orchestre de Philadelphie qui viendra se produire à Montréal.

Yannick Nézet-Séguin, qui est allé diriger un opéra à New York entre ses deux concerts avec l’OM, est arrivé à Philadelphie en après-midi. On commence la répétition avec la Symphonie n2 de Sibelius pour tester l’acoustique. Rapidement, il encourage l’orchestre à jouer de manière plus ouverte, un peu plus gros. À « jouer avec la salle ». « Je savais avant de commencer que ça ferait ça », leur dit-il. Les musiciens, bien entendu, répondent à ses commandes au quart de tour.

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En répétition, avec intensité toujours

« C’est ça, la tournée, il faut s’adapter à une nouvelle salle chaque fois », nous confie le chef tout de suite après, en entrevue dans son bureau. Mais il a confiance, justement, en la capacité d’adaptation de son orchestre. « L’OM a dans son ADN de tourner dans l’île de Montréal, dans un sous-sol d’église, dans un auditorium, sans répétition avant. C’est ça que je leur avais dit avant la première tournée : vous êtes habitués. En fait, ils s’adaptent plus facilement que beaucoup d’autres orchestres que je dirige. »

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En répétition

Pendant toute la répétition, la collaboratrice artistique de l’OM Naomi Woo se promène un peu partout dans la salle et vient donner ses commentaires à Yannick Nézet-Séguin, qui est toujours à l’écoute. Tout se passe dans la concentration, l’ouverture et la bonne humeur – le chef est même prêt à s’attribuer la faute, parfois, pour une mauvaise indication... mais pas trop souvent !

Les deux solistes viennent ensuite chacun leur tour faire leurs tests. Une heure plus tard, tout est terminé. Les musiciens ont tout juste le temps de manger, puisque le concert commence à 19 h 30.

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Le Verizon Hall, au cœur du Kimmel Center

Le concert

  • « Nice to meet you, Philly ! », lance le chef, rieur, quand il monte sur scène à 19 h 30 – il s’adresse en effet à un public qui le connaît depuis 15 ans ! Il ajoute, plus sérieux : « C’est merveilleux d’être ici, avec ma famille américaine, et d’y emmener ma famille montréalaise. » Yannick Nézet-Séguin a choisi le programme en fonction des particularités de l’OM, nous explique-t-il en entrevue. Dans le cas du Sibelius, c’est parce que l’orchestre l’a déjà enregistré dans le cadre d’un cycle consacré au compositeur finlandais.

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    « Nice to meet you, Philly ! », lance le chef, rieur, quand il monte sur scène à 19 h 30 – il s’adresse en effet à un public qui le connaît depuis 15 ans ! Il ajoute, plus sérieux : « C’est merveilleux d’être ici, avec ma famille américaine, et d’y emmener ma famille montréalaise. » Yannick Nézet-Séguin a choisi le programme en fonction des particularités de l’OM, nous explique-t-il en entrevue. Dans le cas du Sibelius, c’est parce que l’orchestre l’a déjà enregistré dans le cadre d’un cycle consacré au compositeur finlandais.

  • Le chef a choisi le Concerto no 2 de Rachmaninov, en raison du lien particulier entre le compositeur russe et Philadelphie. Il est joué par le jeune Tony Siqi Yun, un prodigieux soliste canadien de 22 ans, dont l’interprétation est électrisante.

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    Le chef a choisi le Concerto n2 de Rachmaninov, en raison du lien particulier entre le compositeur russe et Philadelphie. Il est joué par le jeune Tony Siqi Yun, un prodigieux soliste canadien de 22 ans, dont l’interprétation est électrisante.

  • Controlled Burn, une pièce composée et interprétée par la violoncelliste autochtone Cris Derkesen, « met de l’avant les valeurs d’inclusion de l’orchestre », nous explique Yannick Nézet-Séguin en entrevue. « C’est un beau programme de tournée, j’en suis bien fier ! » La preuve qu’il a raison : l’accueil plus qu’enthousiaste réservé par le public à la pièce de Cris Derkesen, qui, avec son violoncelle électrique et ses effets électroacoustiques, vient ébranler bien des certitudes.

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    Controlled Burn, une pièce composée et interprétée par la violoncelliste autochtone Cris Derkesen, « met de l’avant les valeurs d’inclusion de l’orchestre », nous explique Yannick Nézet-Séguin en entrevue. « C’est un beau programme de tournée, j’en suis bien fier ! » La preuve qu’il a raison : l’accueil plus qu’enthousiaste réservé par le public à la pièce de Cris Derkesen, qui, avec son violoncelle électrique et ses effets électroacoustiques, vient ébranler bien des certitudes.

  • Le concert au complet s’attire les réactions chaleureuses, et l’ovation finale est franche et sentie. « I love you all so much », a lancé le chef au public à la toute fin, les mains croisées sur le cœur. Mais on sentait que cette déclaration s’adressait aussi aux musiciens, qu’il est allé féliciter en circulant parmi eux sur la scène et en les serrant dans ses bras. Yannick Nézet-Séguin, à n’en pas douter un seul instant, est fier de sa famille.

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    Le concert au complet s’attire les réactions chaleureuses, et l’ovation finale est franche et sentie. « I love you all so much », a lancé le chef au public à la toute fin, les mains croisées sur le cœur. Mais on sentait que cette déclaration s’adressait aussi aux musiciens, qu’il est allé féliciter en circulant parmi eux sur la scène et en les serrant dans ses bras. Yannick Nézet-Séguin, à n’en pas douter un seul instant, est fier de sa famille.

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L’après-concert

Tout de suite après le concert, une petite réception est organisée. On sent les musiciens de l’Orchestre Métropolitain fatigués, contents, mais avec des réserves, comme s’ils gardaient leur enthousiasme pour le lendemain à Carnegie Hall, une des salles les plus mythiques du monde.

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Le gâteau d’anniversaire offert par l’Orchestre de Philadelphie à Yannick Nézet-Séguin

En attendant, c’est soir de fête, puisqu’on souligne l’anniversaire de Yannick Nézet-Séguin, qui va célébrer, eh oui, ses 49 ans le lendemain. Un gâteau a été préparé par l’équipe de Philadelphie. D’ailleurs, plusieurs des musiciens de l’ensemble américain sont présents. On lui chante donc Happy Birthday et Mon cher Yannick, c’est à ton tour... et le fêté rayonne.

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Les parents de Yannick Nézet-Séguin, Serge P. Séguin et Claudine Nézet, n’auraient raté l’anniversaire de leur fils pour rien au monde.

« Vous pouvez être fière de vos compatriotes », nous glisse en passant le PDG de l’Orchestre de Philadelphie, Matías Tarnopolsky, qui déclare à l’assistance que le concert a été « beau et remuant ». L’organisation a réservé une belle surprise aux membres de l’OM : des bobbleheads à l’effigie de Yannick Nézet-Séguin.

« Merci, Yannick, de réunir ces deux familles », ajoute la PDG de l’Orchestre Métropolitain, Fabienne Voisin. « Cette aventure, c’est un rêve depuis le début. »

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Yannick Nézet-Séguin coupe des parts de son gâteau d’anniversaire.

Yannick Nézet-Séguin ne peut être plus heureux en voyant ses deux familles réunies. « Je suis tombé amoureux de l’OM il y a 25 ans, la même chose ici il y a 15 ans. C’est spécial de tous être là. Ça parle de la musique qui unifie les gens, et ça me rend heureux, fier et plein d’espoir dans l’avenir. À ma famille de l’OM, bravissimo. C’est incroyable, ce que vous transmettez. C’est le cœur de la musique. »

Peu de temps après, tout le monde se disperse pour aller se coucher. Demain matin, c’est le départ pour New York, avec le concert à Carnegie Hall en soirée. La journée est importante.