Sur une fabuleuse lancée à la parution de son album Junior, en 2019, Corridor a été freiné par la pandémie, puis revigoré par les contraintes et finalement désireux de tout faire différemment cette fois, pour son quatrième disque. Cinq ans plus tard, le groupe montréalais présente Mimi.

Nous sommes attablés au café-disquaire 180g, avenue De Lorimier, à Montréal. Avec nous, les quatre membres de Corridor, Dominic Berthiaume, Jonathan Robert, Julien Bakvis et Samuel Gougoux. Ce dernier n’était pas présent la dernière fois que nous avons rencontré le groupe, en 2019, à l’occasion de la sortie du disque Junior. À l’époque, Samuel jouait sur scène avec Corridor. Puis, les musiciens ont décidé qu’il serait naturel qu’il se joigne au groupe, alors devenu un trio.

« La transition s’est bien faite », raconte Samuel, qui s’avoue un fan de la première heure de Corridor. « J’avais une vision de ce que je pouvais amener. Les gars m’ont écouté et m’ont laissé ma place. Le fait qu’on soit obligés d’avoir un processus différent m’a permis de proposer qu’on réalise nous-mêmes, je sentais qu’on était capables de le faire. »

Ce « processus différent », soit de confectionner l’album presque sans instruments à la base, parce qu’ils ne pouvaient pas se réunir en raison de la pandémie, leur a permis beaucoup de choses sur le plan de l’évolution de leur son. Le travail antérieur de Samuel, qui baigne depuis longtemps dans la musique électronique, a également joué un rôle important.

Extrait de Mon argent, de Corridor
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À la suite du lancement de son troisième album Junior, sous la prestigieuse enseigne de la maison de disque Sub Pop, Corridor avait le vent dans les voiles. Des éloges de la critique. Une longue tournée internationale devant lui. C’était en 2020. « C’était hyper chargé pour nous, raconte Dominic Berthiaume. Mais, comme pour tout le monde, tout a été annulé. »

Cet été-là, le groupe s’est loué un chalet dans les Laurentides. « On a commencé à écrire des idées. Ce n’était pas des tounes encore, mais des riffs, des mélodies, beaucoup de trucs qui ont été faits à ce moment et qu’on a pu réutiliser pour bâtir [l’album] », dit Samuel.

Plutôt que d’avoir composé avec les instruments, les musiciens ont surtout travaillé à partir de logiciels de musique, devant un ordinateur. Ç’a été un travail d’assemblage, plutôt qu’un album de band, enregistré en direct.

Ceux qui suivent Corridor depuis le début l’entendront tout de suite : tout en gardant tout ce qu’il y a d’organique dans sa composition rock et post-punk, toujours emplie de guitares, la formation a amené des synthétiseurs et une complexité de textures approfondie, qui flirte avec la dream pop.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Les quatre gars de Corridor

Devenir grand

Dans la fenêtre à notre droite, une affiche publicitaire pour le nouvel album de Taylor Swift bloque la lumière. Dominic, qui travaille au 180g, nous explique en riant que le propriétaire s’attendait à un simple code QR dans la fenêtre, mais qu’une affiche de la grosseur de la fenêtre est plutôt arrivée la veille. Comme plusieurs fois durant l’entrevue, la conversation dévie un peu, les musiciens échangent entre eux entre les questions, nous posent aussi des questions. Formé en 2010, le groupe est une unité serrée dont chacun des membres amène sa personnalité, son énergie. Dominic prend généralement les devants pour répondre. Mais lorsque l’on aborde les textes, tous écrits par Jonathan, c’est à son tour.

« Le déclic a été assez précis », raconte Jonathan Robert. « Je suis revenu du Canadian Tire avec un blower à feuilles. Je me suis retrouvé au milieu de ma cour à me demander qui je suis, qu’est-ce qui était arrivé. Je regardais au loin et j’entendais ma fille. Et le soir, on s’en allait souper avec nos amis et ça parlait de taux hypothécaire. Dans la même semaine, je magasinais des assurances vie avec ma blonde. On a claqué des doigts et on est devenus, tous, des personnes différentes. »

Jonathan Robert parle, le sourire aux lèvres, de « l’antithèse du rêve de rockstar qu’on s’est fait promettre ». Et si, oui, ces constats sont frappants, ils ne sont pas forcément négatifs, précise-t-il. L’important, c’est de trouver un équilibre. Dans ses paroles, donc, il aborde tout cela. La mort, le fait de vieillir, la famille, l’argent que l’on n’a pas…

Le groupe « multigénérationnel en crise d’adolescence »

Corridor a grandi. Les communiqués de presse sur la sortie de l’album utilisent le terme quelque peu galvaudé « maturité », mais Jonathan Robert parle de « métamorphose ». Entre deux boutades sur le nouvel album d’André 3000 – « c’est bon, mais personne n’en parlerait si ce n’était pas lui qui l’avait fait », observe Dominic – et quelques blagues sur les écarts d’âge entre les membres du groupe, ils en reviennent au fait que Mimi est déjà leur quatrième album, en 10 ans d’existence.

« On se demandait ce qu’on fait rendus là. On les a entendus, les gling-gling de nos guitares ! On va où maintenant ? Tu veux ne pas te tanner de toi-même, mais tu ne veux pas non plus dénaturer le projet », dit Dominic.

Cette volonté de faire les choses autrement, d’amener du nouveau dans la création, Jonathan la décrit à la blague comme une « crise d’adolescence ».

Lorsqu’ils en parlent, les musiciens expliquent qu’il leur fallait aller complètement ailleurs pour ce quatrième album, se rebeller contre certaines de leurs habitudes créatives et n’en faire qu’à leur tête. « Après ça tu t’assagis un peu et tu trouves un juste milieu », affirme Jonathan.

Extrait de Mourir demain, de Corridor
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Ainsi est né Mimi, qui porte le nom du chat de Jonathan Robert. Il a été en gestation longtemps, cet album. Et pour cause, la pandémie a amené une telle incertitude que les musiciens ne savaient pas s’il valait la peine de faire un autre disque tout de suite.

Quand les choses ont recommencé à bouger, ils se sont remis activement au travail (Jonathan a de son côté sorti deux disques avec son projet Jonathan Personne) et ont ensuite pris tout leur temps pour fignoler les huit chansons « qui allaient bien ensemble », en réalisant l’album eux-mêmes pour la première fois.

La prochaine étape, la tournée, les mènera en Europe, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dans quelques endroits au Québec également, même si les musiciens disent désormais sans détour qu’ils ne chercheront pas à présenter des spectacles dans des salles vides partout dans la province pour essayer de « convaincre » le public ici. « On fera pas du foie gras, on peut pas le mettre dans la gorge des gens, on va aller où on est demandés », résume Jonathan.

Les fans de Corridor sont nombreux au Québec. Les spectacles à Montréal ou en festival le démontrent, illustre Julien. Mais l’engouement ne se compare pas à ce qu’il est hors frontière. Sans trop chercher à se l’expliquer, les membres du groupe acceptent cet état de fait. Et si le vent venait à tourner ? « Tant mieux, on va être contents », nous disent-ils.

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