C’est l’heure du spectacle dans une salle mythique de la Grosse Pomme. L’émotion est à son comble.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Mercredi matin, les musiciens ont quitté Philadelphie en autocar, direction New York, à environ deux heures de route. Certains en ont profité pour réviser leurs partitions. Mais les déplacements en autocar n’auront pas été de tout repos pendant cette tournée : lors du voyage vers Boston samedi, ils ont dû patienter entre trois et quatre heures à la douane américaine, pris dans la cohue du début de la semaine de relâche. « Mais tout ça s’est fait dans la camaraderie, souligne le directeur adjoint de l’orchestre, Martin Hudon. Comme dans toutes les familles, ça fait partie des anecdotes de voyage qu’on va se raconter pendant longtemps. » On confirme : en trois jours, elle nous a été narrée quand même pas mal souvent !

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Avant la répétition en début d’après-midi, une quinzaine de musiciens de l’OM jouent sur la scène du Carnegie Hall avec des étudiants en musique, qui bénéficient des conseils de l’assistante artistique Naomi Woo, puis de Yannick Nézet-Séguin. Tous deux ont la fibre de la transmission et ça paraît : les jeunes écoutent les deux mentors avec attention, et répondent bien à leurs suggestions. Puis, surprise pour Yannick Nézet-Séguin : pour souligner son 49anniversaire, l’orchestre de jeunes lui joue Joyeux anniversaire. Le chef est touché, mais ce n’est que le début d’une journée bien émouvante.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Yannick Nézet-Séguin est en discussion avec le directeur général adjoint de l’OM, Martin Hudon. Ce dernier, qui a travaillé très fort pour organiser cette tournée, nous souligne combien elle est significative. « N’importe quel orchestre peut louer Carnegie et y jouer, explique-t-il. Mais y être invité, et intégré à sa programmation, ça change la dynamique. C’est une valeur ajoutée. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

C’est maintenant l’heure de l’acoustique, à laquelle Yannick Nézet-Séguin consacre beaucoup de soin et de temps. Comme d’habitude, il regarde chaque musicien dans les yeux, toujours capable d’en tirer le meilleur, même en répétition. Ce qui ne l’empêche pas d’instaurer une ambiance détendue, de jaser un peu pendant qu’on transporte le piano sur scène, de jouer avec les langues entre deux reprises. « That’s parfait ! » Son seul conseil avant que tout le monde aille manger, se reposer, se changer : « Ce soir, profitez de chaque seconde. Ce sera un concert incroyable. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Il est 20 h, le concert commence. Comme la veille à Philadelphie, le chef présente au public le programme de la soirée. « C’est vraiment un moment spécial. C’est un privilège de jouer souvent ici, et d’être ici avec ma famille depuis presque 25 ans comme directeur artistique, sur la plus grande scène du monde. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Fondée en 1891, Carnegie Hall est probablement une des salles les plus connues du monde. L’OM l’habite bien, le son est rond et chaud. Le public répond bien, un mélange de New-Yorkais et d’une bonne proportion de Québécois – beaucoup de membres des familles des musiciens ont fait le voyage pour l’évènement et il y a aussi un groupe de donateurs qui accompagne l’orchestre depuis Montréal, ainsi que des membres de la délégation du Québec.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

D’un bout à l’autre du concert, les musiciens semblent portés par l’énergie de leur chef et par sa confiance. Lorsque le Sibelius se termine, Yannick Nézet-Séguin lève les bras dans les airs, les sourires sont nombreux, la fierté visible. En première partie, les deux solistes auront eu droit aussi à des accolades chaleureuses du chef. Est-il toujours ému à ce point à la fin d’un concert ? « Il y a toujours une émotion – par définition, ce n’est jamais la routine. Mais là, c’est spécial », nous répond-il en coulisse.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Yannick Nézet-Séguin sort de scène, le sourire radieux, les yeux embués. Il prend trois minutes pour nous parler un peu, essaie de comprendre d’où lui vient cette émotion qu’il ne cache pas du tout – sa voix craque même légèrement à un moment. « Ce concerto de Rachmaninov, c’est une des premières notes que j’ai dirigées avec l’OM en 1998 à l’âge de 23 ans. Quand je fais des choses avec cet orchestre, je retourne loin en arrière et je vois le chemin parcouru, pour moi comme pour eux. C’est toujours un arrêt sur image. Si on m’avait dit, à 15 ans, même à 23 ans, que j’allais un jour être avec cet orchestre à Carnegie Hall, que New York allait être à genoux, je ne l’aurais pas cru. C’est important de mesurer tout ça. La chance qu’on a. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Yannick Nézet-Séguin accueille Yukari Cousineau, premier violon et complice, en la serrant fort dans ses bras. « Quelle beauté », répète-t-il à chaque musicien qui sort de scène, en l’étreignant et le félicitant. « On devrait revenir toutes les semaines ! », lance-t-il à la ronde. Mais son programme du lendemain est chargé : la première de l’opéra Roméo et Juliette de Gounod au Metropolitan Opera. Y pense-t-il ? « Des fois, pendant un concert, au moment des applaudissements, j’ai une petite pensée, je me dis je ne peux pas croire que demain… Mais ça passe en trois secondes. La musique c’est renouvelable. On parle de ça en coaching de vie, d’apprendre à vivre dans le moment présent, et en musique, on n’a pas le choix. Demain est un autre jour, et ce sera aussi de la beauté. »