Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Ce lundi, plus de 3000 personnes seront réunies sur le flanc « nord » du mont Royal pour contempler le ciel depuis le terrain du stade de football du CEPSUM. Elles pourront admirer le rarissime passage de la Lune devant le Soleil au son d’une musique composée par deux étudiants de la faculté de musique de l’Université de Montréal, Vivian Li et Thomas Augustin.

Le nom de ce dernier ne dit rien à certains étudiants, mais il suscite l’admiration de ceux qui espèrent toujours le retour de son groupe-culte, Malajube.

En plus d’enseigner chez Musitechnic, le claviériste (toujours membre des groupes Penny Diving et Jesuslesfilles) fait une maîtrise en composition et création sonore. De son côté, Vivian Li étudie au baccalauréat en musiques numériques et elle fait partie du duo Echönymphia.

Les deux musiciens se connaissaient à peine – sauf pour avoir suivi un cours ensemble – avant que le professeur de composition Dominic Thibault leur propose de collaborer pour une commande faite à la faculté de musique.

Pourquoi eux ? « Ils ont une personnalité musicale forte et j’aimais l’idée d’une collaboration », répond-il.

Le compositeur aurait bien aimé répondre lui-même à la demande du comité organisateur de l’Université de Montréal pour le grand évènement prévu pour l’éclipse, soit avoir une sorte de trame sonore qui suscite l’émotion et qui souligne l’éminence du phénomène astronomique. « Je suis un amateur de sci-fi et de phénomènes naturels », dit celui qui, en bon professeur, a plutôt supervisé les travaux de création de Thomas Augustin et de Vivian Li.

Les musiciens – qu’une quinzaine d’années séparent – ont chacun fait une liste d’écoute pour ensuite se réjouir d’être inspirés par les mêmes groupes un peu obscurs, dont Slowdive, Aphex Twin et Tengger.

Le tandem a beaucoup improvisé en ayant en tête une musique hippie, ou encore New Age, qui favorise l’émerveillement et la contemplation. Il fallait aussi faire preuve d’une certaine retenue pour s’incliner devant le phénomène « qui renvoie à beaucoup plus grand que nous ».

Extrait de la chanson pour l’éclipse
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Le résultat, qui dure cinq minutes, comprend trois sections : une introduction enveloppante minimaliste, une montée (avec les sons naïfs du vibraphone) et une finale où on semble entendre des animaux.

C’est tout un défi de composition, car tu n’as pas ce qui se passe devant les yeux.

Dominic Thibault, professeur de composition

Le processus diffère en effet de faire de la musique à l’image, confirme Thomas Augustin, qui a signé celle de la série documentaire télé sur l’Ordre du Temple solaire. « On savait juste que la musique allait jouer pendant la phase de totalité », indique-t-il.

Vivian Li s’estime privilégiée de pouvoir observer le point culminant du passage de la Lune devant le Soleil au son de sa propre pièce. « Peu de gens peuvent dire qu’ils ont fait une chanson pour l’éclipse. »

Un happening

Lundi, Vivian et Thomas ont un test de son à 11 h, mais ils n’auront qu’à appuyer sur play, blaguent-ils.

« Je suis content… Il va faire beau, il y aura plein de monde. Ce sera un happening de bons sentiments et de bonheur par rapport à la planète Terre », souligne Thomas Augustin.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Les stades extérieurs de l’Université de Montréal vus des airs

C’est en effet plutôt rare à l’époque actuelle de s’émouvoir devant les forces incontrôlables de la nature.

Vivian Li et lui s’intéressent par ailleurs dans leurs études au bien-être et au pouvoir immersif de la musique.

Les sons ont des propriétés thérapeutiques et tu peux aussi les ressentir dans ton corps.

Vivian Li, étudiante

L’étudiante mène d’ailleurs un projet de fauteuil musical. De son côté, Thomas Augustin conçoit une installation en lien avec les acouphènes.

3000 personnes attendues

L’évènement organisé par l’Université de Montréal au stade du CEPSUM, animé par la journaliste scientifique Marie-Pier Élie, affiche complet. Le public pourra y entendre des experts, dont l’astrophysicienne Nathalie Nguyen-Quoc Ouellette. Un numéro d’humour de Jérémy Chhor, qui a représenté l’université à la finale nationale du concours U en spectacle, est aussi au programme. Ce dernier a par ailleurs diffusé une vidéo avec des conseils pour bien profiter de l’éclipse.

Visionnez la vidéo de Jérémy Chhor

Pour ceux qui ne seront pas sur place et qui voudraient écouter la musique de Thomas Augustin et Vivian Li pendant la phase de totalité de l’éclipse, un peu avant 15 h 30, sachez qu’elle sera diffusée sur les ondes de CISM (89,3 FM) et qu’elle est disponible pour écoute et téléchargement ici. L’Observatoire du Mont-Mégantic doit aussi la faire jouer cet après-midi.

Et Malajube ?

Pour faire un mauvais jeu de mots, il y a bien des mélomanes pour qui l’éclipse de Malajube a assez duré depuis l’album La caverne. Cette pause a été interrompue seulement pour une prestation en 2015 au festival La Grosse Lanterne.

Peut-on espérer un retour ? « Un retour de Malajube, c’est rare comme une éclipse, répond Thomas Augustin. On dirait que l’alignement des astres n’est pas encore là, mais il ne faut jamais dire jamais. »

Jamais.