Ce nouveau roman d’Éric Reinhardt rappelle à certains égards son grand succès, L’amour et les forêts, puisque l’écrivain français y sonde de nouveau les questionnements existentiels d’une femme dans son rôle de mère et d’épouse, de même que sa relation avec ses lectrices.

C’est dans sa forme, cependant, qu’on a droit à une agréable surprise, une particularité qui lui a d’ailleurs valu une sélection dans la deuxième liste du prix Goncourt, dévoilée cette semaine.

La Sarah du titre a 44 ans ; en rémission d’un cancer, elle décide de délaisser sa carrière pour se consacrer à l’art. Alors qu’elle donne un nouveau souffle à ses aspirations, son mari se met à passer toutes ses soirées dans son bureau, la laissant seule avec leurs enfants. En même temps, elle découvre qu’elle n’est pas propriétaire en parts égales de la maison familiale, ce qu’elle vit comme une trahison après plus de 20 ans de mariage.

Quand elle lui demande de remédier à ces deux situations, elle se heurte à son indifférence et se voit forcée de le soumettre à un « électrochoc », seule solution selon elle pour le forcer à réagir – soit partir pour un temps. Mais rien ne se passe comme elle l’escomptait.

Face au silence de son mari, abandonnée par ses enfants, elle commence à se fracturer intérieurement, jusqu’à ce que tout dérape.

C’est après cette série de revers que Sarah, complètement dépassée par la tournure qu’a prise sa vie, décide de contacter un écrivain pour lui raconter les évènements qui ont mené à sa déroute. Ainsi, se dit-elle, ses tourments pourront au moins servir à nourrir une œuvre.

Alors que l’on découvre les circonstances de sa chute, l’écrivain lui raconte en parallèle l’histoire qu’il en a tirée – celle de Susanne. Une femme qui est en quelque sorte le double de Sarah puisque sa vie suit la même trajectoire, avec de nombreuses variations toutefois afin que personne ne puisse la reconnaître. On se retrouve donc à suivre, en alternance, deux récits qui entretiennent un double suspense captivant autour du destin malheureux de Sarah et de Susanne.

Bien que le roman démarre assez lentement, on se prend au jeu de ce casse-tête habilement construit qui suscite de nombreuses réflexions sur les chemins qu’on choisit d’emprunter. Sarah, Susanne et l’écrivain est un portrait de femme empli de compassion, et un voyage dans l’imaginaire et la sensibilité de l’écrivain qui ne manquera pas de séduire.

Sarah, Susanne et l’écrivain

Sarah, Susanne et l’écrivain

Gallimard

432 pages

7,5/10